Une femme trans du Burundi : « Mon exil est une navigation vers l’inconnu. »

Une année vient de s’écouler après l’arrestation suivie de la détention d’une vingtaine de personnes accusées d’homosexualité dans la capitale politique du Burundi, Gitega. Après les avoir déchargées de toute allégation d’homosexualité, la justice burundaise a récemment libéré tous ces détenus pour avoir été acquittés pour certains et pour avoir purgé une peine d’une année pour d’autres. Cependant, depuis le début de l’affaire, une personne impliquée dans le dossier est décédée et une dizaine de membres de la communauté LGBT dont Claudia ont fui le pays. Claudia dit qu’elle navigue dans l’inconnu depuis le début de son exil. (Le Mandat)

Claudia est logée et nourrie avec un petit fonds qui lui permet de satisfaire ses autres besoins de base pour pouvoir survivre dans un pays africain. Elle tient à ce que le nom du pays ne soit révélé. La vie qu’elle mène est similaire à celle des autres membres de la communauté LGBT qui ont fui le Burundi depuis février 2023 pour se réfugier, pour la plupart, à l’est et l’ouest du continent africain. Dans son pays d’exil, Claudia se sent abandonnée et par les organisations nationales et par les organisations internationales. Claudia estime aussi qu’elle n’est pas du tout en sécurité. « Je n’ai pas d’accompagnement juridique. C’est très important de le signaler parce qu’en cas de fouille-perquisition ici, la police peut facilement m’arrêter. Je n’ai aucun document qui garantit ma sécurité. J’ai besoin au minimum d’une attestation de résidence. J’ai aussi besoin d’un accompagnement psycho-social et médical que je ne peux pas obtenir pour le moment. En résumé, je suis très vulnérable ici. » Claudia n’est pourtant pas prête à se rapatrier dans son pays d’origine, le Burundi, malgré tous ces problèmes d’exil et malgré la récente libération définitive d’une vingtaine de personnes déchargées de toute allégation d’homosexualité.

Le refus de Claudia a été catégorique lorsque le journaliste de l’agence de presse « Le Mandat » lui a posé la question relative au retour dans son pays. « Notre Président a jeté de l’huile sur le feu lorsqu’il a publiquement déclaré que le lynchage des homosexuels n’était pas un péché. Non, je ne peux pas retourner là-bas pour le moment. »

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Répondant à une question d’un journaliste lors d’une conférence publique le 29 décembre 2023, le président de la République du Burundi Evariste Ndayishimiye a dit que son pays ne pouvait pas accepter un financement en provenance d’un pays riche qui l’obligerait à autoriser le mariage des personnes de même sexe. Le président Evariste Ndayishimiye a ajouté que les homosexuels étaient destinés à être lapidés et que les auteurs de la lapidation n’auraient commis aucun péché.

Le défenseur des droits humains Janvier Bigirimana a immédiatement demandé au président Evariste Ndayishimiye de retirer ses propos scandaleux et indignes pour un chef de l’Etat. Selon maître Janvier Bigirimana, le chef de l’Etat a violé non seulement la loi burundaise à commencer par la Constitution mais aussi d’autres instruments internationaux qui garantissent le droit à la vie pour chaque citoyen. « J’en appelle à la vigilance de la population et des autorités burundaises face à ce discours parce que demain ce sont nos enfants, ce sont les enfants des dirigeants burundais, ce sont les enfants du président de la République, qui risquent d’être lynchés par la population lorsqu’ils seront accusés ou soupçonnés d’être des homosexuels conformément à ce discours scandaleux et honteux du chef de l’Etat. »

Les propos du numéro 1 burundais ont également été dénoncés par la ligue burundaise des droits de l’homme « Iteka » qui signale que ce genre de propos met en danger les personnes LGBT+ et crée un environnement nuisible à l’exercice de leurs droits humains notamment le droit à la vie, le droit à la vie privée, le droit à l’accès aux soins de santé et le droit à la non-discrimination.

De son côté, Human Rights Watch estime que les propos du president Evariste Ndayishimiye risquent de nourrir la violence et la discrimination.

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Avant la sortie médiatique de décembre dernier, le président Evariste Ndayishimiye avait déjà appelé les Burundais à « maudire les homosexuels » qu’il qualifiait de malédiction dans un Nation Prayer Breakfast organisé par le parlement burundais le 1er mars 2023.

L’homosexualité comme menace à la sécurité nationale

Classée dans la catégorie des menaces sociales, l’homosexualité est considérée comme une menace à la sécurité nationale au Burundi au même titre que la consommation de la drogue, les violences sexuelles et l’aliénation culturelle dans la Stratégie Nationale de Sécurité.

En plus du code pénal burundais qui est considéré comme l’épée de Damoclès suspendue au-dessus de leurs têtes, les membres de la communauté LGBT sont parmi les catégories les plus menacées par le VIH/SIDA au Burundi.

Selon le récent rapport du Fond Mondial, qui a accordé au Burundi une subvention combinée VIH/tuberculose de 45 millions de dollars américains pour la période 2021-2023, « les obstacles liés aux droits humains affectent la qualité des activités de prévention de plusieurs manières, notamment un nombre limité d’endroits où les populations clés peuvent accéder aux services de prévention, ainsi qu’un manque d’assistance juridique ».

Selon ce rapport de septembre 2023, l’épidémie de VIH se concentre parmi les trois principales populations clés et la prévalence la plus élevée est enregistrée chez les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (5,96 %), les consommateurs de drogues injectables (15,3 %) et les travailleurs et travailleuses du sexe (30,9 %).

En décembre 2021, le gouvernement burundais a présenté le rapport provisoire d’une « enquête nationale de séroprévalence et de surveillance des comportements face au VIH au Burundi chez les hommes ayant des rapports sexuels avec les hommes » après avoir collaboré avec « les associations œuvrant en faveur des Hommes ayant des rapports Sexuels avec les Hommes ». Au total, 611 Hommes ayant des rapports Sexuels avec les Hommes (HSH) ont participé à l’enquête dont 246 en Mairie de Bujumbura, 110 à Gitega, 127 au Nord et 128 au Sud du pays. L’enquête a également révélé que cette population des Hommes ayant des rapports Sexuels avec les Hommes était estimée à 6452 en Mairie de Bujumbura. Cette enquête, qui a bénéficié de l’appui du Fonds Mondial de lutte contre le SIDA, la Tuberculose et le Paludisme et de l’ONU-SIDA, précise aussi que la prévalence du VIH chez les Hommes ayant des rapports Sexuels avec les Hommes est plus élevée qu’au sein de la population générale au Burundi.