La campagne pour le rapatriement accéléré des réfugiés burundais bat son plein dans les pays de l’Afrique de l’Est depuis quelques mois. Pour cause, certains pays et bailleurs de fonds estiment que les raisons, qui ont poussé ces Burundais à fuir leur pays d’origine, ont disparu. La Tanzanie envisage même un rapatriement forcé de plus de cent mille réfugiés burundais abrités dans ses camps. (Le Mandat)
Le chargé des réfugiés au sein du gouvernement tanzanien Sudi Mwakibasi a évoqué la possibilité d’organiser un rapatriement forcé des Burundais après leur avoir retiré le statut de réfugié. Au cours de cette journée du 30 novembre, les autorités tanzaniennes et une délégation des hautes autorités burundaises étaient entrain de sensibiliser les réfugiés burundais de Nduta au rapatriement. « Si nous remarquons qu’ils ne continuent pas de s’inscrire pour le rapatriement, nous allons leur retirer le droit d’être réfugiés. A cette étape, ils vont quitter notre territoire sans réclamer quoi que ce soit. » A insisté Sudi Mwakibasi. Le responsable du service des réfugiés au sein du gouvernement tanzanien a rappelé qu’en 2012, les camps ont été fermés et les réfugiés burundais obligés de regagner leur pays d’origine.
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Environ un mois avant les déclarations de Sudi Mwakibasi, plus précisément le 2 novembre 2022, le gouvernement du Burundi avait affiché sa colère suite à un accord tripartite qui ne fonctionnait pas comme prévu. Cet accord entre le HCR, les gouvernements burundais et tanzanien, qui envisage le rapatriement de 1400 réfugiés par semaine, a subi un échec selon le Directeur Général du Rapatriement, de la Réinsertion et de la Réintégration des rapatriés au Burundi qui s’était exprimé à la clôture d’une réunion de trois jours entre le Burundi, la Tanzanie et le HCR à Bujumbura. « Aujourd’hui, je peux vous dire que nous accueillons moins de 50 Burundais par semaine. Il nous arrive même d’accueillir une dizaine, 15 ou 17. » s’est lamenté Nestor Bimenyimana. Selon lui, le Burundi envisageait d’accueillir 70 mille rapatriés au cours de l’année 2022 mais jusqu’au 2 novembre, moins de 20 mille seulement avaient regagné le pays.
Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés a également affiché son souhait de voir les réfugiés burundais retourner en masse dans leur pays d’origine. En octobre dernier à Nyarugusu, le Chef des services de protection au Bureau régional pour l’Est, la Corne de l’Afrique et les Grands Lacs a dit qu’il fallait passer du rapatriement volontaire au rapatriement de masse. Charles Mballa a par ailleurs annoncé une réduction supplémentaire des vivres de ces réfugiés à partir de l’année 2023. Il a précisé que, pour les réfugiés burundais, les partenaires du HCR estiment qu’il faut concentrer l’appui dans les zones de rapatriement, donc au Burundi. La ration alimentaire sera alors encore une fois réduite de 6 à 20% selon Charles Mballa. Quotidiennement, chaque réfugié du camp de Nyarugusu par exemple a droit actuellement à 370 grammes de farine de maïs, 70 grammes de petit pois, 15 grammes d’huile et 5 grammes de sel. Les réfugiés se débrouillent pour la cuisson. « C’est l’une de leurs stratégies pour nous contraindre à nous rapatrier de force parce que même la ration alimentaire actuelle ne nous suffit pas du tout. » déclare avec tristesse un réfugié de Nyarugusu.
Contrairement à la promotion du rapatriement des Burundais, qui devrait se faire dans toute la région selon Charles Mballa, le retour des Congolais en République Démocratique du Congo n’est pas envisageable pour le moment parce qu’il y a la guerre.
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Malgré des mois d’absence de conflit armé entre des antagonistes sur le territoire burundais, l’APRODH a documenté au moins 35 personnes tuées, dont 2 victimes d’exécution extrajudiciaire, au cours du seul mois de novembre 2022. Dans son rapport mensuel, l’Association Burundaise pour la Protection des Droits Humains et des
Personnes Détenues évoque d’autres cas de violations des droits de l’homme imputés principalement aux imbonerakure et au Service National de Renseignement du Burundi.
Malgré cette absence de guerre, en octobre dernier, le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU a condamné fermement toutes les violations des droits de l’homme et les atteintes à ces droits commises au Burundi, parmi lesquelles des exécutions extrajudiciaires, des disparitions forcées, des arrestations et détentions arbitraires, des actes de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que des violences sexuelles et sexistes.
Mais, qui aime vraiment la guerre?
Les militaires burundais ne sont pas des va-t-en-guerre selon le Lieutenant Général Prime Niyongabo. Au cours de la rencontre du 29 juillet dernier entre les officiers de la Force de Défense Nationale du Burundi et les membres de la Commission Vérité et Réconciliation, le Chef d’Etat-Major Général de l’armée burundaise a dit que les militaires étaient contents lorsqu’ils n’étaient pas obligés de passer la nuit dans la réserve naturelle de la Kibira.
Même lorsque le secrétaire général du parti CNDD-FDD a dit en octobre dernier qu’ils avaient décidé d’aller chercher les rebelles du RED-Tabara en RDC, c’était dans le cadre d’attaquer pour mieux défendre. Révérien Ndikuriyo a précisé que, désormais, ces combats contre le mouvement de Résistance pour un Etat de Droit allaient se dérouler hors du pays.
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Entretemps, sur le territoire burundais, les réfugiés rentrent au compte-gouttes suite aux situations individuelles ou à la campagne de sensibilisation en cours. Ce qui n’empêche que d’autres fuient le pays pour des raisons diverses. Au 30 novembre 2022, la Tanzanie hébergeait plus de 145 mille réfugiés burundais, le Rwanda plus de 50 mille, la RDC plus de 43 mille, l’Ouganda plus de 40 mille, et la Zambie plus de 7 mille réfugiés burundais. Le Kenya lui, comptait plus de 23 mille réfugiés et demandeurs d’asile burundais jusqu’au 31 octobre 2022.
La campagne de sensibilisation pour le rapatriement concerne donc plus de 300 mille Burundais hébergés par différents pays de la région. C’est dans ce cadre que les 19 et 20 décembre, la délégation de hautes autorités burundaises a rencontré les réfugiés burundais résidant dans différentes villes du Rwanda et ceux du camp de Mahama. Le camp de Mahama que Ferdinand Kambayingwe et sa famille ont quitté en 2020 pour se rapatrier au Burundi. Malheureusement, le 26 novembre 2022, Ferdinand Kambayingwe a été assassiné à Kirundo, sa province d’origine. « S’il y avait un crime qui lui était reproché, pourquoi ne pas le conduire devant la justice? » s’est interrogé un habitant de Kirundo. Le ministère de l’intérieur et de la sécurité publique a expliqué que les policiers l’ont tué lorsqu’il tentait de fuir après l’avoir attrapé en possession d’un Kalashnikov caché dans son sac de charbon.
Les enquêtes continuent (1) pour le cas de Kambayingwe Ferdinand mort à @KirundoProvince en tentative de fuite après arrestation avec 1 fusil AK47 dans son sac de charbon et (2) pour le cas du corps sans vie d’une femme découvert près de #SODECO à Ngagara en @MairieBuja.
— MininterInfosBi (@MininterInfosBi) December 8, 2022
Ces explications ont été publiées sur le compte Twitter du ministère de l’intérieur, du développement communautaire et de la sécurité publique au lendemain des lamentations de la veuve de Ferdinand Kambayingwe qui a pointé du doigt le chef provincial du parti CNDD-FDD, le chef provincial des imbonerakure et le commissaire provincial de la police devant le premier ministre Gervais Ndirakobuca en visite dans la province Kirundo.