COVID-19 : Qui contraint Ndayishimiye à « jouer la transparence » ?

Les passagers du transport en commun portent des masques depuis jeudi, 14 janvier 2021. Les conducteurs des véhicules de transport, eux, ont l’obligation de les porter depuis mercredi. Juste avant et après la relance de la campagne de dépistage, les autorités burundaises multiplient des déclarations en faveur de la lutte contre la COVID-19. Néanmoins, les décisions prises cachent mal un souhait de visibilité sur la scène des ennemis féroces de la pandémie mondiale. C’est l’avis de certains analystes qui estiment qu’il y a une main européenne qui pousse le pouvoir de Gitega à reconnaître le virus dont il a nié l’impact depuis longtemps.

Dans son message de « vœux de bonheur et de bonne santé » à tous les Burundais au début de l’année 2021, l’Union Européenne a indiqué que la COVID-19 avait été « maîtrisée au Burundi en 2020 » mais que sa gestion « restera un défi en 2021 ». Dans ce message de nouvel an des chefs de missions de l’Union Européenne au Burundi, « les chefs de missions se réjouissent que les autorités burundaises aient saisi les occasions qui se présentaient et pris des initiatives en vue du réchauffement de leurs relations avec l’Union Européenne ».

C’est justement ce réchauffement des relations qui est en jeu. Les relations qui sont entachées par le non-respect de l’article 96 de l’accord de Cotonou depuis le début de la crise liée au troisième mandat du président de la République. Ces analystes sont convaincus qu’en plus des exigences d’amélioration du climat politique, de la bonne gouvernance ou du respect des droits de l’homme, l’Union Européenne a également obligé les autorités burundaises à être transparentes dans la gestion de la pandémie qui fait trembler le monde depuis le début de l’année 2020. 

Pourquoi l’Union Européenne ?

Le 7 décembre dernier, l’Union Européenne a financé l’Union Africaine à hauteur de 10 millions d’Euros pour faire face aux urgences sanitaires. Ce projet de 4 ans classe parmi les priorités la lutte contre la Maladie à Coronavirus 2019 sur le continent et a été mis en exécution depuis le premier janvier 2021. Sur le plan global de la lutte contre la pandémie, l’Union Européenne envisage de débloquer au moins 8 milliards d’Euros pour soutenir des actions en Afrique. L’assistance se concentre sur le renforcement des capacités de préparation et de réponse des pays dont les systèmes de santé sont les plus faibles.                                                          

Le Burundi fait, sans doute, partie des pays prioritaires. Jusqu’en octobre 2020, le Burundi avait déjà été financé par l’Union Européenne à hauteur d’au moins 32 millions d’Euros pour faire face à la COVID-19. C’est également l’Union Européenne qui finance, depuis 2015, la formation de 70 experts de l’Institut National de Santé Publique, le principal institut de dépistage de la COVID-19 dans le pays. Pour cette formation des experts de l’INSP mise en œuvre par l’Université Libre de Bruxelles jusqu’en fin août 2021, l’Union Européenne dépense 2,6 millions d’Euros.

Même avant l’apparition de la COVID-19, de 2014 à 2020, le Burundi a fait partie des 13 pays africains qui ont partagé 1,1 milliards d’Euros de l’Union Européenne pour la sécurité sanitaire et le renforcement des systèmes de santé. 

Pour gagner la confiance de l’un de ses meilleurs bailleurs de fonds, ce gouvernement, qui a banalisé la pandémie depuis plusieurs mois, surtout vers la fin du troisième mandat contesté du président de la République, a donc intérêt à fournir plus d’effort aujourd’hui, dans ce secteur de la santé et ailleurs, selon les analystes. 

Des actions timides pour commencer

Après la déclaration de 40 cas puis d’environ 100 cas de personnes contaminées par la COVID-19 en l’espace de trois jours, le gouvernement du Burundi a décidé le port de masque obligatoire uniquement pour les usagers du transport en commun. « Pour ceux qui se retrouveront au niveau des arrêts-bus sans masques, ils pourront en acheter sur les lieux », a précisé le porte-parole du ministère de l’intérieur, du développement communautaire et de la sécurité publique dans un point de presse tenu mardi. En plus du lavage des mains avec du savon devenu obligatoire, la distanciation physique devra également être scrupuleusement respectée dans des lieux de grands rassemblements, surtout dans les églises, a insisté Pierre Nkurikiye. Certains établissements étatiques ont également exigé le port de masque pour obtenir un service. C’est notamment la mairie de Bujumbura et l’Office Burundais de Recettes, OBR.

Mais les frontières entre le Burundi et la Tanzanie restent « ouvertes »

Les frontières terrestres entre le Burundi et la Tanzanie ont toujours fait exception au moment où toutes les autres étaient officiellement fermées au début de la pandémie. Même si, un communiqué du comité national de lutte contre la COVID-19, qui a pris effet lundi, stipule que toutes les frontières terrestres et maritimes du Burundi sont fermées, les frontières burundo-tanzaniennes ne sont fermées que pour ceux qui viennent de très loin. « La plupart de ceux qui amenent le coronavirus ici ce n’est pas cette population qui réside de l’autre côté de la frontière. C’est surtout ces gens qui viennent des pays lointains par avion et poursuivent leurs voyages par voie routière à partir de Dar-Es-Salam, Arusha ou Kigoma », a indiqué le ministre de la santé publique Thaddée Ndikumana avant de demander à ces voyageurs de passer par l’aéroport international Melchior Ndadaye pour pouvoir entrer sur le territoire burundais. « Les va-et-vient des Burundais et des Tanzaniens à travers nos frontières communes se poursuivront en respectant les mesures barrières », a expliqué le vice-président du comité national de lutte contre la COVID-19. Cependant, certains analystes estiment que les mesures prises à contrecœur par le gouvernement du Burundi ne suffisent pas pour protéger la population contre la COVID-19.

C’est, peut-être, le vaccin qui sauvera le peuple burundais

Les récents propos maladroits du pouvoir de Gitega sur la pandémie en général et sur son vaccin en particulier datent du 30 décembre 2020. Répondant à la question d’un journaliste au cours d’une conférence publique organisée à Ngozi, le président Evariste Ndayishimiye a indiqué que le Burundi était, d’une certaine manière, immunisé contre la COVID-19. « Nous ne pouvons pas être les premiers à aller chercher le vaccin parce que nous avons découvert le vrai vaccin. De toutes les façons, le Burundi ne peut pas s’empresser de réclamer le vaccin parce que nous n’en avons pas plus besoin que les autres. Attendons pour voir comment ça évolue. Au Burundi, Dieu est avec nous parce que lorsque vous attrapez le coronavirus, l’on vous soigne et vous êtes guéris. D’ailleurs, 3 blancs ont fui la COVID-19 chez eux et nous les avons accueillis dans notre pays. Deux d’entre eux ont été testés positifs au coronavirus. Ils sont actuellement guéris après avoir été soignés et ils ont décidé de rester ici. Le troisième n’avait pas le coronavirus mais il a fait une demande de séjour de 18 mois dans notre pays. Vous comprenez que nos stratégies de lutte contre la COVID-19 constituent notre vaccin », a répondu le président de la République du Burundi tout en signalant que le vaccin était d’ailleurs cher.

Et pourtant, le Burundi fait partie d’une trentaine de pays de faibles revenus éligibles au mécanisme COVAX, l’initiative mondiale visant à assurer l’accès rapide et équitable de tous les pays aux vaccins contre la COVID-19, quel que soit leur niveau de revenu.                                                                      

Le 8 janvier dernier, l’OMS a déploré le fait que les pays à revenu faible n’ont toujours pas reçu de vaccin

Cela dit, certains analystes sont convaincus que le gouvernement du Burundi, changera de langage et prendra sans aucune hésitation les vaccins lorsque ces derniers seront disponibles.

Au Burundi, le gouvernement affirme que, jusqu’ici, seulement 2 personnes sont mortes de la COVID-19 dans le pays. Mais certains médias, dont la RPA, ont évoqué plusieurs décès des personnes présentant des symptômes de la COVID-19  depuis le début de la pandémie.                                

L’église catholique n’est pas non plus d’accord avec les chiffres présentés par le gouvernement burundais. L’église catholique parlait déjà d’une dizaine de cas de décès liés à la COVID-19 au 23 juillet 2020.