44 martyrs du Burundi sur la voie de la canonisation

Une étape historique s’est déroulée le 21 juin dernier pour l’Église burundaise: l’ouverture de la phase diocésaine du procès de canonisation de 44 martyrs, tués entre 1972 et 1997. Il s’agit de la première cause de canonisation ouverte dans le pays. Les évêques du Burundi ont reconnu en ces témoins des «modèles de fraternité».

Adélaïde Patrignani (avec Fides et dacb.org) – Cité du Vatican

Avec cette première ouverture de la phase diocésaine d’un procès de canonisation au Burundi, l’Église locale a voulu « célébrer un groupe de personnes qui, au nom de Jésus, ont offert leurs vies pour montrer que notre fraternité dans le Christ est plus importante que l’appartenance à un groupe ethnique ». « C’est un grand témoignage, un message que nous considérons vraiment nécessaire pour tous les chrétiens. Nous souhaitons célébrer la fraternité chrétienne », ont également déclaré les évêques du pays à cette occasion.

Ce procès concerne deux missionnaires xavériens et une bénévole, tous de nationalité italienne, tués à Buyengero en 1995, un prêtre burundais tué à Gitega en 1972 et 40 jeunes séminaristes du séminaire catholique de Buta tués en 1997. Des « héros », aux yeux de l’épiscopat actuel, présentés « comme un modèle unique qui inspire l’amour de la fraternité ». «Gardez en vous leurs images, lisez leurs vies pour essayer de les imiter», ont demandé les évêques aux fidèles burundais, en espérant « qu’ils soient déclarés officiellement martyrs et qu’ils soient présentés devant nous tous comme modèles de fraternité dans la vie chrétienne et même dans toute notre société burundaise ».

L’évènement est déjà source de communion et d’espérance pour l’Église du Burundi. Les évêques ont invité les catholiques du pays à « suivre les différentes étapes du procès dans la prière et dans la joie. Nous connaissons d’autres frères et sœurs du Burundi qui ont offert leurs vies au nom d’une fraternité interethnique et nous sommes sûrs qu’il y aura d’autres procès de canonisation après le procès diocésain que nous allons commencer dans les prochains jours », ont-ils ajouté.

Des séminaristes habités par la grâce

Le Burundi, pays isolé et montagneux, a été le siège de violences ethniques acharnées dans les années 1990, parmi les pires de toute l’Afrique. Ces violences étaient un débordement du génocide qui avait lieu au Rwanda voisin. Le 30 avril 1997 à l’aube, des envahisseurs armés vraisemblablement membres du groupe rebelle Hutu du CNDD (le Conseil National pour la Défense de la Démocratie) attaquent le séminaire catholique de Buta, tuant quarante jeunes séminaristes, âgés de quinze et vingt ans.

Depuis le début de la guerre civile en octobre 1993, le séminaire, situé au sud du pays, avait été un refuge tranquille pour les membres des deux groupes ethniques en guerre, Hutu et Tutsi.

Les séminaristes vivaient concrètement la fraternité chrétienne, afin de témoigner que l’amour du Christ était plus importante que les origines ethniques. Juste avant leur massacre, les étudiants venaient de finir une retraite de discernement avec les membres du Foyer de Charité de Giheta.

Le prêtre burundais Nicolas Niyungeko témoigne:

« À la fin de la retraite, cette classe était animée d’une sorte d’esprit nouveau, qui semblait être une préparation pour la mort sainte de ces innocents. Pleins de joie et de réjouissance, ils disaient sans cesse : “Dieu est bon, et nous l’avons rencontré. » […] Le jour suivant, quand les meurtriers les ont surpris, encore au lit, ils ont ordonné aux séminaristes de se séparer en deux groupes, les Hutus d’un côté, et les Tutsis de l’autre. Ils voulaient en tuer seulement une partie du groupe mais les séminaristes ont refusé, préférant mourir ensemble. Face à l’échec de leur projet néfaste, les meurtriers se sont rués sur les enfants et les ont massacrés avec des fusils et des grenades.

Au cours du massacre, on entendit certains séminaristes chanter des psaumes de louange, et d’autres dire « Pardonne-leur Seigneur, car ils ne savent ce qu’ils font. » D’autres encore, au lieu de se battre ou de s’enfuir, ont choisi de venir en aide à leurs frères en détresse, sachant très bien la fin qui leur était réservée.

Quarante jours après le massacre, l’évêque du diocèse de Bururi consacre une église dédiée à la mémoire des jeunes martyrs, portant le vocable de “Marie, Reine de la Paix”.

Selon le père Niyungeko, le sanctuaire est « un lieu de pèlerinage où les Burundais viennent prier pour la réconciliation de leur peuple, pour la paix, la conversion et l’espérance pour tous ».

Qui sont les autres martyrs ?

Le Père Michel Kayoya, 38 ans, est tué à Gitega – au centre du Burundi – le 17 mai 1972.

Prêtre, poète et philosophe, il a toujours souligné dans ses textes que les différences ethniques, plus qu’une menace, constituent une richesse, un don réciproque.

Figure charismatique, amoureux de la vérité, il prêchait l’amour sans jamais le séparer de la justice.

Il fut arrêté par une bande armée et emprisonné en compagnie d’une cinquantaine de prêtres et de laïcs.

Il est allé à la mort en chantant les psaumes et le Magnificat.

Les pères Ottorino Maule et Aldo Marchiol et la bénévole laïque Catina Gubert sont quant à eux tués dans leur paroisse de mission, à Buyengero (sud-ouest), le 30 septembre 1995.

Ce soir-là, les religieuses vivant à proximité de la paroisse entendent des coups de feu, mais n’y accordent pas une importance excessive.

Le dimanche matin, comme les prêtres se font attendre pour la messe, elles se rendent à la mission et trouvent les trois corps dans le salon de la maison, à terre, tués à coups d’armes à feu.

Les missionnaires avaient été forcés à s’agenouiller pour être tués d’une balle dans la tête.

Catina avait également reçu une balle dans la poitrine. Rien dans l’habitation n’avait été touché ou volé.

Le Père Ottorino Maule avait 53 ans, il était originaire de la province de Vicence en Italie.

Prêtre xavérien, il avait été envoyé au Burundi en 1970, avant d’être rappelé en Italie en 1979, et de devenir supérieur général des Xavériens d’Italie de 1984 à 1990.

Après une brève période passée à Paris pour se préparer de nouveau à la mission, il était reparti au Burundi en septembre 1991, devenant alors curé de la paroisse de Buyengero.

Le Père Aldo Marchiol avait 65 ans, il était originaire de la province d’Udine en Italie.

Lui aussi prêtre missionnaire xavérien, il était parti pour le Burundi en 1978, y demeurant jusqu’à sa mort, à l’exception d’une brève période passée en Italie.

Catina Gubert avait quant à elle 74 ans, elle était originaire de la province italienne de Trente.

Elle s’était rendue au Burundi de 1976 à 1979, jusqu’aux premières expulsions des missionnaires. Elle était alors partie pour la Tanzanie, poursuivant son travail d’assistance et de promotion en tant que bénévole laïque.

Elle était toujours restée liée aux missionnaires xavériens du Burundi, où elle était revenue en 1993. Au sein de la mission de Buyengero, elle œuvrait en faveur de la promotion de la femme.

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