C’est la question que nous nous posons après le fiasco de la couverture médiatique lors du lancement de l’exhumation des restes des « victimes de 1972 » à Bururi. La Commission Vérité et Réconciliation estime que, dans cette province du sud du Burundi, il y a plus de 80 fosses communes. Mais, comme cela a été le cas lors de l’ouverture solennelle des activités dans cette province, les journalistes n’auront finalement pas l’occasion de couvrir les deux semaines d’activités d’une commission qui, elle-même, soulève la controverse. (Le Mandat)
Le mercredi, 10 février 2021, une quinzaine de journalistes basés à Bujumbura font le départ à 7 heures du matin pour Bururi. Comme d’habitude, les membres de la CVR, eux, sont déjà sur place dès la veille. Les pluies torrentielles empêchent le minibus, qui transporte les journalistes, d’avancer normalement et ils arrivent au chef-lieu de la province Bururi vers 13 heures. C’est la CVR qui a mis le minibus à la disposition des journalistes. « Nous ne comprenons pas pourquoi la CVR nous oblige à faire le départ le matin au lieu de nous laisser passer la nuit dans la province-cible », se lamentent certains journalistes. A l’arrivée des journalistes à Bururi, les membres de la CVR ont déjà clôturé l’activité du jour. Chaque journaliste est prié de récupérer 14400 francs de frais de mission accordés par la CVR pour la journée avant de rebrousser chemin.
Les journalistes ont également droit aux images
Les communicateurs de la CVR ont pris toutes les images de l’activité. Les journalistes sont priés de copier et coller les images mises à leur disposition par ces communicateurs de la Commission Vérité et Réconciliation. Mais, les journalistes ne sont pas sûrs qu’il s’agit de la totalité des images prises pendant l’activité. Certains journalistes récupèrent immédiatement les images à Moonlight Hotel au centre-ville Bururi. Mais il y en a d’autres qui refusent de recevoir les images …
… parce qu’il s’agit d’une affaire délicate
Certains journalistes expliquent que les affaires des fosses communes en particulier et de la justice transitionnelle en général font partie des sujets délicats. « C’est un sujet délicat. Il fallait voir cela de nos propres yeux pour pouvoir traiter le sujet », expliquent certains journalistes. Même certains journalistes qui récupèrent les images hésitent de les publier.
Le gouverneur de Bururi ne savait-il pas que les journalistes étaient absents ?
Devant la caméra des communicateurs de la CVR, le gouverneur souhaite les bienvenus à toutes les personnes présentes, y compris les journalistes qui ne sont pourtant pas là. Même le vice-président de la CVR, Clément Noé Ninziza, qui sait très bien que les journalistes ne sont pas encore arrivés, ne manque pas de les évoquer dans son discours comme s’ils les voient. Le gouverneur Léonidas Bandenzamaso souhaite ensuite à la délégation de la CVR un bon travail et se dit convaincu que les témoins « ne vont pas exagérer » mais qu’ils vont dire « la vérité et rien que la vérité ». Il demande ainsi à la population de ne pas avoir peur de témoigner.
Les on-dit ?
Alors que la fouille dans la fosse située sur la colline Muzenga-Rwankona de la commune Bururi est en cours, un membre de la CVR parle à une centaine de personnes présentes. « Comme d’habitude, avant de déterrer les restes humains, nous appelons la population pour éviter que, ces gens qui racontent des mensonges comme quoi la CVR déterre des cimetières les restes humains et les exposent, ne doutent plus de notre travail. Donc, nous allons encore vous appeler à la fin des activités pour voir le résultat de notre travail. »
Si les journalistes étaient là, ils allaient peut-être chercher plus d’éclaircissements sur ces rumeurs sur les visites des membres de la Commission Vérité et Réconciliation aux cimetières.
Alors que l’Accord d’Arusha prévoit sa mise en place pendant la transition dirigée par l’UPRONA et le FRODEBU, la Commission Vérité et Réconciliation est créée, une dizaine d’années plus tard, le 10 décembre 2014 par le pouvoir CNDD-FDD dans des conditions controversées.
Aujourd’hui, certains Burundais pensent que les conditions propices au bon fonctionnement de la CVR ne sont pas encore créées. Il y en a d’autres, comme le vice-président du FRODEBU Léonce Ngendakumana, qui estiment que la véritable CVR n’est pas encore là.