Comment s’éterniser au pouvoir sans frauder les élections? C’est, surtout, pour répondre à cette question, que le CNDD-FDD serait sur le point de procéder aux nouvelles délimitations à l’intérieur du territoire burundais. Il est fort probable que la multiplication des contentieux électoraux, depuis une dizaine d’années, contraint finalement le parti au pouvoir à organiser progressivement une politique pensée depuis l’époque de la rébellion. (Le Mandat)
Même si elle est mise en évidence en 2022, l’idée de nouvelles délimitations géographiques aurait été parmi les projets phares du Conseil National pour la Défense de la Démocratie-Forces de Défense de la Démocratie depuis le maquis. Francis Rohero, ancien imbonerakure proche de l’ancien patron du CNDD-FDD Hussein Radjabu, s’affiche comme l’un des fervents défenseurs de la fusion de certaines provinces à travers le projet de campagne du Mouvement Orange qu’il dirige. Même s’il ne fait pas exactement le même découpage et ne maintient pas les mêmes appellations que le candidat indépendant aux présidentielles de 2020, le CNDD-FDD prévoit, comme Francis Rohero, de doter le Burundi de 5 provinces de grandes tailles à la place des 18 qu’il possède actuellement.
Election témoin en 2025
Selon nos sources, le parti de l’aigle compte mesurer sa popularité en 2025 sans frauder les résultats. Et pour y parvenir, il faut faire un plan bien taillé sur mesure. Les bastions de l’opposition sont, tout d’abord, annexés aux bastions du CNDD-FDD à travers les cinq nouvelles provinces de Bujumbura, Buhumuza, Gitega, Burunga et Butanyerera selon le nouveau projet de loi organique portant délimitation des Provinces, des Communes, des Zones, des Collines/Quartiers. L’impact de ce plan visant à noyer l’électorat de l’opposition est également attendu au niveau des communes qui ne seront bientôt qu’au nombre de 42 au lieu des 119 existantes. Même s’ils ne seront pas rendus publics, les résultats des élections témoin permettront au parti au pouvoir d’évaluer sa popularité au fur des années selon nos sources qui signalent, qu’entretemps, la tricherie devrait se poursuivre.
Recensement général et fichier électoral truqués
Nos sources affirment qu’au cours du recensement général de la population de 2022, le pouvoir envisage de gonfler certains chiffres surtout l’effectif des personnes en âge de voter et celles qui atteindront cet âge avant les élections de 2025. Ainsi, l’effectif de ces potentiels électeurs publié au bout du recensement général de la population sera largement supérieur à leur effectif réel selon toujours nos sources. Cette ruse devrait se reproduire au niveau de l’élaboration du fichier électoral selon nos sources. Ces « électeurs fictifs » serviront donc aux « bourrages électroniques d’urnes » au niveau du serveur central conservant les données numérisées de tout le pays. Les « résultats » du recensement général de la population et « l’effectif » des électeurs seront alors brandis comme arguments du parti au pouvoir en cas de contestation des résultats des élections selon nos sources. Une autre justification qui pourrait être présentée c’est la liste des partisans du CNDD-FDD en âge de voter de tout le pays. Le 7 mai dernier, alors qu’il dirigeait les cérémonies d’adhésion de nouveaux membres à Nyabiraba, une commune de la province Bujumbura, le secrétaire général du CNDD-FDD a évoqué un recensement de tous les membres du parti au pouvoir en âge de voter avant les échéances électorales de 2025. « Dans les prochains jours, nous vous demanderons de nous dresser des listes de tous les Bagumyabanga sur les collines pour préparer leurs tenues. Lors de la célébration des 20 ans de pouvoir, les Bagumyabanga doivent porter une tenue d’honneur. Même si nous nous retrouvons avec un effectif de 5 millions, ils doivent, tous, porter cette tenue avec les noms inscrits dessus. Il faut inclure aussi ceux qui ont 14 ou 15 ans parce qu’ils atteindront 18 ans en 2025 », a déclaré Révérien Ndikuriyo. Selon lui, les fonds pour acheter les t-shirts proviendront de la vente des récoltes dans les champs du parti situés dans différentes collines du pays.
Des risques comme dans le passé?
Après la contestation par Agathon Rwasa des résultats des élections en 2020, le pays a failli sombrer dans le chaos. Selon nos sources, une partie des militants du CNL finalisait la préparation de la lutte armée contre le pouvoir en place lorsque les hautes autorités du parti s’y sont opposé à la dernière minute. L’une des causes probables de ce revirement, selon un analyste, est que les hautes autorités du CNL auraient eu peur de la réaction d’un des pays occidentaux qui a financé leur campagne électoral s’elles s’engageaient dans la violence. Découragés par l’attitude de certains de leurs leaders et envahis par l’incertitude sur leur sort, certains militants du CNL se sont joint au mouvement rebelle RED-Tabara nous signalent d’autres sources. Selon nos sources, parmi les victimes des représailles aveugles organisées par les agents du service national de renseignement par la suite, figuraient les militants du Congrès National pour la Liberté qui prônaient la défense de « leur victoire » par les armes. Selon un analyste, cette attitude montre que le régime des Bagumyabanga est décidé à poursuivre son plan de réinstauration du « monopartisme » même si le régionalisme joue les trouble-fêtes.
Une région, un mandat?
Selon un journaliste tanzanien bien connecté au CNDD-FDD, les leaders du CCM auraient conseillé les Bagumyabanga de faire chacun un mandat à la tête du parti et à la présidence, comme convenu au maquis, afin de gouverner pendant plusieurs années. Après Hussein Radjabu de Muyinga au Nord-Est, le parti CNDD-FDD a par la suite été dirigé par Jérémie Ngendakumana de Muramvya au Centre, Pascal Nyabenda de Bubanza au Nord-Ouest, Evariste Ndayishimiye de Gitega au Centre et actuellement Révérien Ndikuriyo du Sud du pays. Au niveau de la présidence de la République, après Pierre Nkurunziza de Ngozi au Nord, Evariste Ndayishimiye de Gitega au Centre a pris le pouvoir. Selon nos sources, même si le respect d’un seul mandat semble improbable, le successeur potentiel d’Evariste Ndayishimiye à la présidence c’est Révérien Ndikuriyo de Makamba au Sud. Mais, au sein du CNDD-FDD, il y a des polémiques selon lesquelles le secrétaire général actuel du parti présidentiel serait plutôt originaire de la commune Matana de la province Bururi, ce qui pourrait le disqualifier comme la plupart des ténors du parti ne sont pas encore prêts à accorder la présidence de la République à la province dont étaient originaires les anciens chefs d’Etat qui les avaient contraints à prendre les armes.
Avantages de la réforme?
Le gouvernement avance que le redécoupage vise, entre autres, la mise en œuvre de la politique nationale de décentralisation, l’harmonisation avec les organisations administratives des pays de la sous-région, la création des entités territoriales financièrement viables, une administration de proximité au service du citoyen, une diminution des charges de l’Etat envers les communes, une diminution des charges des communes et une augmentation de l’assiette fiscale. Lorsque la loi sur ces nouvelles délimitations entrera en vigueur, le nombre de sénateurs devra être réduit pour se conformer à la constitution. Le sénat aura 13 sénateurs au lieu de 39. On aura également 5 gouverneurs de provinces lorsque la loi sera promulguée. Selon nos sources, le parti présidentiel envisagerait de pointer 4 gouverneurs Hutu et 1 gouverneur Tutsi, dont une femme, à la tête des cinq provinces.
Après les élections de 2020, Agathon Rwasa a dit que même dans la mairie de Bujumbura où son parti avait dévancé le CNDD-FDD, les élections avaient été volées par le parti présidentiel. Le président du CNL réagissait aux propos du secrétaire général du parti au pouvoir Révérien Ndikuriyo qui appelait les militants à redoubler d’efforts pour conquérir plus d’électorat dans la capitale économique.