Activiste au sein du FOCODE lors des manifestations de 2015, Aimé KWIZERA est, aujourd’hui, membre de l’équipe de communication au sein de SOS Torture Burundi.
Mais, ce manifestant de première heure s’est entretenu avec ‘’Le Mandat’’ à titre personnel.
Lors des premières manifestations, qui ont suivi la proclamation de la candidature du président Pierre Nkurunziza au troisième mandat, Aimé KWIZERA affirme avoir assisté à l’assassinat par balle du jeune Jean Népomuscène KOMEZAMAHORO, l’une des premières victimes du mandat contesté.
Monsieur Aimé Kwizera, le 26 avril c’est une date qui vous rappelle sans doute un meurtre qui a été commis sous vos yeux à Cibitoke il y a quatre ans. Pouvez-vous nous donner des précisions sur ce qui s’est réellement passé au cours de cette première journée de manifestation contre le troisième mandat ?
Le 26 avril 2015 me rappelle beaucoup de choses.
Mais deux sont restées gravées dans ma mémoire :
1° L’unité d’un peuple pour défendre sa constitution, pour barrer la route au totalitaire, pour exiger aux dirigeants d’être l’exemple de respect de la loi.
Une Image d’une jeunesse défendant l’idéal, unie pour tracer une voie vers une nation dans laquelle l’on défend ensemble un idéal sans considération d’origine, de classe sociale, ou d’appartenance ethnique.
Des milliers de jeunes avec un seul mot d’ordre: « Non au 3ème mandat »
2° Vers la fin de la journée, 15 heures passées d’une quarantaine de minutes, la satisfaction a cédé à
une tristesse brusque après un coup de feu, qui a emporté la vie d’un jeune scout Komezamahoro, qui, ne faisant même pas parti du cortège, a été assassiné à bout portant par un officier de Police.
Je retiendrai que ce forfait a été un crime délibéré précédé par une déshumanisation de la victime avant de l’abattre sans reproches.
S’adressant à un de ces subalternes, cet officier lâcha : « Rasa iyo mbwa ! » celui-ci refusa de s’exécuter, résista même à une tentative visant à utiliser son arme pour commettre ce forfait.
« Koresha inkoho yawe, wewe ntuyifise ! »
L’officier de police l’abattra de balles dans la tête alors qu’il implorait pitié agenouillé.
Un sourire qui s’éteignit devant mes yeux incapable de le sauver.
Quatre ans de lutte contre le troisième mandat mais le régime est toujours là. Vous arrive-t-il de penser que vous perdez votre temps ?
Non, je ne pense jamais que j’ai perdu mon temps.
Il m’arrive pourtant de penser que je me suis adressé à des sourds, déterminés à assumer le forcing peu importent les dégâts, prêts à forcer le passage vers une dictature n’hésitant même pas à tuer des milliers de gens ou en exiler des centaines de milliers.
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Ils savent cependant qu’ils ont violé notre constitution, ils se sont intronisés à coup de force, l’armée et la police payées par le même peuple qui a désavoué cette auto-proclamation.
Et Nkurunziza sait par conséquent qu’il est indigne de cette fonction et n’ose même pas s’approcher là où les chefs d’États discutent des affaires d’État.
Aujourd’hui vous avez fui le pays. Comment comparez-vous votre apport personnel dans la lutte contre le régime en place aujourd’hui et celui d’il y a quatre ans lorsque vous étiez encore au pays ?
Le troisième mandat a été brigué depuis 2015 et a été érigé sur le fond de terreur, de violences contre toute voix dissidente. Ce qui m’a poussé, comme d’autres défenseurs des droits humains et plusieurs centaines de milliers d’autres citoyens à emprunter le chemin d’exil.
Mon combat est resté constant: dénoncer des cas de violations des droits humains et plaider en faveur d’un Etat de droit.
En exil, certes loin du Burundi, je continue cette lutte à l’abri des griffes des miliciens et du service national des renseignements tout en maintenant une étroite collaboration avec les collègues sur place ne pouvant pas élever la voix pour s’exprimer, à cause de la machine à tuer dresser contre eux.
Qui apportera la solution durable à la crise burundaise selon vous ?
Le temps. Toute dictature finit par tomber.