Rapporteur Spécial sur le Burundi : un « bavard » dans la liste des candidats

Il se nomme Ambassador Gerard Nsengiyumva. Il écrit beaucoup sur Twitter surtout depuis qu’il est candidat au poste de Rapporteur Spécial sur la situation des droits de l’homme au Burundi. Volontaire en ligne au sein des Nations Unies depuis 2018 et ancien chargé des relations publiques et de la communication au ministère des infrastructures au Rwanda (2010-2011), ce détenteur du diplôme de Bachelor en Administration des Affaires (Business Administration) à Kigali Institute of Science, Technology and Management, dit croire qu’il est le meilleur des candidats à ce poste.

Dans la matinée de jeudi, 20 janvier 2022, alors qu’ils étaient encore au nombre de sept, le candidat de nationalité rwandaise m’a accordé une longue interview. (Le Mandat)

Pour commencer, j’ai voulu savoir pourquoi il se nomme « Ambassadeur »

Cà c’est le titre que j’ai reçu lorsque j’ai joint l’agence des Nations Unies des volontaires en juin 2018. Il y avait des cours qu’on devait apprendre et après on obtenait le titre d’ambassadeur qui était prévu. Donc, depuis ce temps-là, je suis l’ambassadeur de 193 pays membres des Nations Unies, incluant le Rwanda bien sûr qui est ma nationalité rwandaise [qui est mon pays d’origine].

Avec votre titre d’ambassadeur, qu’est-ce que vous faites exactement?

Normalement, à part le titre que j’ai reçu d’après les cours que j’ai reçus au sein du campus électronique, normalement je suis entré dans le système des Nations Unies comme volontaire. J’ai accumulé bon nombre de titres dépendant bien sûr du succès des études que je suivais. Sur mon compte Twitter, vous pouvez même y trouver des certificats qui certifient certains de ces titres-là.

D’accord. Entrons maintenant dans le vif du sujet. Aujourd’hui, vous êtes candidat au poste de Rapporteur Spécial sur la situation des droits de l’homme au Burundi. Et je vois dans vos publications sur Twitter, vous vous présentez comme le candidat idéal alors que vous n’avez ni l’expérience dans le domaine du droit en général ni dans le domaine des droits de l’homme. Pourquoi? 

Lorsque j’étais à l’école secondaire, nous faisions des études des droits de l’homme. Les études de droit c’étaient parmi les cours qu’on faisait lorsque j’étais à l’université au campus de Kigali Institute of Science, Technology and Management. Donc, le domaine de droit n’est pas un domaine étranger pour moi. Ce que je peux dire c’est que, dans le système des Nations Unies, quand on étudie, il y a aussi des applications directes. On vous met quelques fois dans des actions simulées. Donc, ce n’est pas seulement les théories, mais il y a aussi des actions qui vous donnent l’expérience dont vous parlez maintenant. Dans l’e-mail que je vous ai envoyé, il y a la couverture de certains des livres de la formation qui m’a donné ce titre de rapporteur spécial des Nations Unies. Je vous ai envoyé aussi des photos qui portent la mention ‘’pratique’’. Donc, c’est ça que l’expérience veut dire. En plus de cela, même la vie c’est l’expérience elle-même du droit et de justice parce qu’en tant qu’une personne, j’ai eu quelques cas dans la justice. J’ai poursuivi ces cas-là et j’ai gagné. Donc, le domaine de justice ce n’est pas quelque chose qui est nouveau pour moi. C’est quelque chose que je vis, c’est quelque chose que j’ai étudié, c’est quelque chose dans lequel j’ai une expérience qui est universelle.

Pensez-vous que votre expérience-là va peser sur celle des autres candidats que je trouve d’ailleurs beaucoup plus solides? Prenons par exemple les cas de Strauss et de Bocoum.

J’ai fait une analyse de chaque candidat. En ce qui concerne Marie-Thérèse, elle a déjà occupé ce poste. Maintenant, Marie-Thérèse fait déjà partie des membres du groupe des experts au Kasaï en République Démocratique du Congo. Donc, dans les principes des rapporteurs spéciaux, ça c’est ce qu’on appelle l’accumulation des activités des droits de l’homme. C’est un principe qu’on doit respecter. Marie-Thérèse a déjà perdu parce qu’elle ne respecte pas ce principe comme elle est déjà occupée au Kasaï. Demander un autre poste lié aux droits de l’homme c’est une faute absolue.

Là, je vois que vous évoquez les articles 44 et 46 de la résolution 5/1 qui exigent le respect du principe du non-cumul des mandats. Mais le formulaire que vous avez vous-même complété, Marie-Thérèse Bocoum l’a complété aussi et a accepté d’abandonner sa mission du Kasaï au cas où elle serait désignée Rapporteur Spécial sur le Burundi.

Non, il faut essayer de mettre les choses dans la logique. Imaginez vous avez accepté de travailler pour un employeur pour x temps, disons, un an. Et après 8 mois, vous allez chez votre employeur et vous lui dites non je ne vais pas compléter les 12 mois parce que j’ai un autre travail. Mettez-vous alors dans l’état, à la place de cet employé-là. Ca c’est un. Deux, la raison pour laquelle je suis le meilleur c’est que tous ces candidats-là n’ont pas signé leurs formulaires. On appelle ça des tracts. Au milieu du formulaire, la signature est incluse dans la lettre et on demande que cette signature-là doit être tapée. Tous les 6 candidats, qu’ils aient une expérience, qu’ils aient quelques qualifications, qu’ils soient compétents, mais ils n’ont pas complété la procédure. Donc, pour moi, c’est le seul point qui me permet de dire que je suis le meilleur candidat sans entrer dans les détails de leurs études, des expériences faites.

Mais la signature électronique ou ‘’typed signature’’ était également acceptée. Or la signature électronique peut uniquement être constituée du nom et du prénom. Et j’ai vu que certains candidats ont mis leurs noms et prénoms en bas de la lettre de motivation demandée. Que dites-vous à propos de ceux-là?

Cher Emile, les formulaires sont claires. La signature c’est la signature. Les noms c’est les noms. N’essaie pas d’altérer les instructions ou ajouter ce qui n’est pas là. Je pense que tu as un grand problème de compréhension de la langue anglaise. Ils n’ont pas tout simplement signé puisque leurs places de signature sont absolument vides. C’est très facile à voir ma vérité. Cette technique d’essayer de remplacer la signature par les noms et ou prénoms est fausse d’après tout ce que je viens de vous expliquer. Ils n’ont qu’à accepter la défaite prématurée de leurs formulaires de candidature.

Non, je ne pense pas que j’aie un grand problème de compréhension de l’anglais mais abordons maintenant le point sur votre pays, votre nationalité. Vous savez que certains appellent même les deux pays, le Burundi et le Rwanda, les pays jumeaux. Ils partagent une même histoire à certaines époques. Ne pensez-vous pas que l’on va douter de votre objectivité, de votre impartialité parce que ça fait partie des critères de sélection?

En ce qui concerne l’impartialité et d’autres principes des Nations Unies, je suis déjà sur le point maximal du respect et de connaissance de ces principes-là de neutralité et d’impartialité parce que j’ai des certificats qui confirment que je suis aussi un agent humanitaire par formation. Ce sont des principes qu’on doit respecter même sans le dire. Ca c’est un. De deux, si vous regardez sur mon compte Twitter, vous allez voir que lorsque j’ai donné ma candidature, j’ai essayé de voir ce que le public peut dire de moi si demain je deviens Rapporteur Spécial sur les droits de l’homme au Burundi. J’ai même déjà contacté Son Excellence le président de la République burundaise le Général [Evariste Ndayishimiye] pour demander ce qu’on peut penser si demain ou après-demain je deviens le Rapporteur Spécial.

Qu’est-ce qu’il vous a répondu?

Normalement, il y a eu quelque chose comme silence. Il y a eu silence mais en français comme vous le savez ‘’Qui ne dit mot consent’’. C’est le proverbe français qui est connu. Qui ne dit mot consent. S’il y avait une objection, je l’aurais déjà constaté pendant ce temps-là. J’ai contacté aussi d’autres institutions comme le parlement tout en incluant la Mission des Nations Unies au Burundi. Vous pouvez voir ça sur mon compte Twitter, c’est public.

 

Nous nous dirigeons vers la fin de notre entretien. Je vois que vous communiquez beaucoup via Twitter. Les autres candidats semblent silencieux, du moins sur les réseaux sociaux. Je n’ai même pas pu trouver des comptes Twitter pour la plupart des candidats. Est-ce que j’aurais tort si je disais par exemple que vous êtes le plus bavard de tous les 7 candidats?

Communiquer n’est pas bavarder. Aujourd’hui, c’est le moment de communiquer. Dans le passé, on devrait être silencieux, on devrait être ignorant. Mais aujourd’hui c’est ça les médias sociaux. On doit être là et on doit être actif. Parce que ça aide à beaucoup de choses. Par exemple, si j’obtiens cet entretien, nous nous entretenons aujourd’hui parce que vous m’avez trouvé sur le compte Twitter, parce que vous m’avez trouvé sur les médias sociaux. Si vous ne m’aviez pas trouvé là-bas, je ne pense pas qu’il y aurait un autre moyen de nous parler de cette candidature. Ce que je peux vous dire c’est qu’il y a une différence entre bavarder et communiquer. On bavarde en disant quelque chose qui n’est pas dans le sujet concerné. Mais ce dont nous parlons aujourd’hui c’est quelque chose qui est bien planifié. Ce que je mets sur mon compte Twitter, c’est ça, c’est pour, disons, éduquer, c’est pour, disons, informer, c’est pour élargir mon réseau comme je vous ai trouvé déjà. Ca c’est un autre outil non seulement dans le domaine des droits de l’homme mais aussi dans beaucoup d’autres domaines. Ces gens-là qui n’ont pas de comptes Twitter, je pense qu’ils manquent aussi quelque chose. Ca devrait même être dans le formulaire peut-être dans les années à venir parce que c’est quelque chose d’important. Parce que lorsqu’on met parmi les critères par exemple la langue anglaise et la langue française, les médias sociaux aujourd’hui c’est comme une autre langue. Les médias sociaux c’est un outil de communication qui ne doit pas être négligé.

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Dernière question. Le gouvernement du Burundi a déjà dit qu’il ne permettra pas au Rapporteur Spécial de l’ONU de franchir ses frontières. Est-ce que ça vous inquiète personnellement?

Aujourd’hui, je ne peux pas commenter sur une décision officielle parce que je ne suis pas encore officiellement désigné comme rapporteur spécial sur le Burundi. Donc, je me réserve de dire quelque chose sur les Nations Unies ou sur le gouvernement burundais. Mais, ce que je peux dire c’est qu’il y a déjà des conventions, des lois, des instruments internationaux que les pays ont déjà signés. Donc, si la décision du gouvernement du Burundi est dans le cadre des conventions qu’ils ont signées, moi je ne vois aucun problème. S’ils disent qu’ils ne peuvent pas accepter le Rapporteur Spécial, que cela soit dans les conventions, que cela soit ce qui ait été convenu. Le système des Nations Unies a déjà prévu tous les chemins auxquels il faut recourir. Donc, si le gouvernement dit ceci, qu’est-ce que cela reflète dans les conventions qu’on a eu avec le gouvernement, qui sont signées, qui sont ratifiées? C’est ça ma position sur cette question. Normalement, le problème c’est que quelques fois les gens oublient ce qu’ils ont accepté publiquement, ce qu’ils ont accepté en accord avec les autres. Ce que je peux ajouter c’est qu’après avoir obtenu le poste de Rapporteur Spécial dans les mois à venir, j’ai la vision de devenir Secrétaire Général des Nations Unies. Ca c’est ma vision, c’est mon rêve.

Et si vous n’êtes pas nommé Rapporteur Spécial?

Si je ne suis pas désigné comme Rapporteur Spécial sur le Burundi, il y aura une plainte. Je dois recourir aux institutions compétentes pour rejeter une autre nomination qui peut être faite. Ce que je peux vous dire c’est que si j’obtiens ce poste clé pour moi, ça me montrera que le système des Nations Unies est vraiment 100% correct. Mais si je n’obtiens pas ce poste, je pense que j’aurai le temps de réfléchir mais je peux même prendre la décision de quitter définitivement le système des Nations Unies. Mais je ne pense pas que ça va être comme ça. Je pense que c’est moi qu’on va déjà nommer. 

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