Certains symboles de la monarchie sont de retour au Burundi depuis quelques mois.
En plus de cela, la constitution de 2005 et celle de 2018 autorisent le retour de la monarchie dans le pays.
L’article 4 de la Constitution du 7 juin 2018 stipule que ‘’Le statut et le rétablissement de la monarchie doivent faire l’objet du référendum, …’’
Entretien avec l’historien Professeur Docteur Joseph GAHAMA
Professeur, il y a des symboles de la monarchie qui sont de retour actuellement au Burundi et puis la Constitution du pays n’écarte pas le retour de la Monarchie. Pensez-vous qu’il est facile de restaurer la Monarchie dans le pays ?
Je vous remercie. Je suis un historien et un historien n’est pas un devin. C’est-à-dire que je ne peux pas prévoir l’avenir. Ce que nous, nous faisons, nous les historiens, nous analysons les faits par rapport au passé et par rapport au présent.
Vous dites qu’il y a probablement des signes de la Monarchie qui pourraient augurer un avenir qui
nous ramènerait vers la Monarchie. Probablement mais comme je vous l’ai dit, je ne peux pas l’affirmer comme tel. Mais ce qui est assez surprenant et peut-être les gens ne l’avaient pas vu venir c’est que dans la Constitution actuelle, on n’a pas écarté un régime monarchique.
Y a-t-il des exemples des pays qui ont restauré la monarchie après l’avoir abolie quelques années auparavant ?
Oui bien sûr. Prenons par exemple le cas de la France. Exactement dans la nuit du 5 au 6 août 1792, on a aboli officiellement la Monarchie. Mais en 1830, il y a eu la restauration après plusieurs années de République.
Dans des cas pareils, est-ce que la population, qui est habituée au multipartisme au vrai sens du terme, accepte facilement le retour de la Monarchie après des années de démocratie ? Prenons le cas du Burundi.
Encore une fois vous me demandez ce qui va arriver, je n’en sais rien.
Mais sous les régimes monarchiques, rien n’empêche qu’il y ait plusieurs partis politiques.
En Grande Bretagne, on a la Reine Elizabeth et il y a plusieurs partis politiques. L’Espagne est également dirigée par un Roi et il y a plusieurs partis politiques.
Vous savez, au Burundi, la Monarchie a été abolie le 28 novembre 1966. Le temps que la Monarchie a duré après notre indépendance, il y avait plusieurs partis politiques. Le monopartisme n’est intervenu que sous la République justement en 1966. En 1962, à l’indépendance, on avait l’UPRONA, on avait le PDC, on avait le PP, le Parti du Peuple je veux dire.
Dans les élections de 1965, surtout les législatives, et bien il y avait plusieurs partis politiques.
Donc, le régime Monarchique n’exclut pas l’existence de plusieurs partis politiques.
Donc le retour de la Monarchie au Burundi ne peut pas poser problème ?
Je n’en sais rien. Comme je vous l’ai dit, le futur ne m’appartient pas.
Donc, pour vous, professeur, il n’y aura pas de différence, en termes de gouvernance, en termes de démocratie, si le Burundi passe à la Monarchie ?
Personnellement, j’ai assisté aux multiples changements de régimes. J’ai connu le régime Monarchique sous Mwambutsa, sous Ntare aussi. J’ai vu la République avec Micombero, Bagaza, Buyoya, Ntibantunganya, jusqu’à Nkurunziza. Il y a toujours une différence. Aucun régime ne ressemble à un autre.
Mais les régimes Républicains et les régimes Monarchiques ne diffèrent pas beaucoup en termes de gouvernance. Ce qui diffère souvent c’est le manque de démocratie à l’intérieur de ces différents régimes. Prenez par exemple le cas britannique, c’est un régime Monarchique mais où la démocratie s’exerce très bien à travers plusieurs partis politiques bien connus. Prenons le cas classique de la France, c’est un régime Républicain dur-dur mais là aussi la démocratie s’exerce à travers les partis politiques. Pour moi, ça n’a rien à voir. Qu’on ait à la tête du pays un Roi ou quelqu’un qui a été élu, entre guillemets, par le peuple, ça n’a rien à voir parce que la démocratie c’est l’exercice des droits de tous les jours surtout au niveau de la base. Souvent les gens ne comprennent pas.
Le fait, par exemple, de faire la queue, attendre que quelqu’un passe devant toi parce qu’il est arrivé avant toi, ça c’est classique, ça c’est une culture démocratique.
Mais la culture burundaise exige que le Roi naisse les semences à la main. Est-il possible d’assister au retour en force de cette idéologie ?
Ça, je n’en sais rien parce que pour différencier même parmi les prétendants au trône au sein de la famille royale, il fallait que la personne élue naisse avec les semences. Maintenant vous allez me dire dans votre raisonnement tout à fait rationnel ‘’est-ce vrai ou non ?’’. Le problème ce n’est pas que ça soit ‘’vrai ou non’’. L’essentiel c’est que les gens y croyaient.
Est-ce qu’aujourd’hui on peut y croire ? Est-ce qu’aujourd’hui le président de la République ou quelqu’un de sa famille peut faire croire à la population burundaise qu’il doit être à la tête du pays parce qu’il est né avec les semences ?
Mais si les gens veulent croire qu’il est né avec des semences, ça c’est leur affaire, ils vont y croire. Vous savez, les croyances ça ne veut pas dire que c’est vrai. Vous pouvez croire quelque chose qui n’est pas vrai et ça fonctionne dans la tête des gens. Alors, la population, sous la monarchie burundaise, croyait que le Roi était né avec les semences.
Donc aujourd’hui ça peut refaire surface ?
S’ils veulent y croire, c’est leur droit en fait.