Un ancien imbonerakure : ‘’Une guerre perdue c’est celle que l’on abandonne’’

Ancien membre de la ligue des Imbonerakure, Elvis KWIZERA a fui le pays comme certains contestataires du troisième mandat du président Pierre NKURUNZIZA. 

Le surnommé Mutama est parmi les frondeurs du parti au pouvoir au Burundi, 
le CNDD-FDD. 
Représentant des jeunes au sein de l’opposition en exil pendant un certain temps, Elvis KWIZERA, a décidé de démissionner et fonder son propre parti après avoir estimé que les jeunes n’avaient pas assez d’espace pour s’exprimer librement à travers ces plateformes. 
C’est donc à travers le Parti des Citoyens Démocrates, PCD-Imfura z’Uburundi en sigle, qu’Elvis KWIZERA alias Mutama poursuit sa lutte contre le troisième mandat qu’il a commencée en 2015. 

Monsieur Elvis KWIZERA, le régime que vous avez combattu est toujours là quatre ans après le début de la contestation. Ne pensez-vous pas que vous avez perdu votre temps ?

On n’a pas du tout perdu notre temps parce qu’on peut savoir quand on commence une bataille mais personne ne peut prévoir les événements qui peuvent se dérouler dans le futur. Ca c’est un secret ou la capacité de Dieu le tout puissant, pour ceux qui croient en Dieu. Mais ce qui est très important ici ce n’est pas parce que tout ce temps s’est écoulé sans atteindre les objectifs que nous nous étions fixé mais c’est l’objectif pour lequel on se bat. 
Donc pour moi, il n’y a aucune bataille ou aucune guerre qu’on peut perdre si ce n’est que celle que l’on abandonne. 


Pour nous, deux choses sont importantes :

1° il y a une vérité, une dignité que nous défendons. Nous voulons que le peuple burundais soit libre à gouverner son pays sans toutefois être pris en otage par qui que ce soit. C’est pour cela que même le héros de l’indépendance et tous ses collaborateurs de l’époque ont conjugué leurs forces pour lutter pour l’indépendance et la liberté du peuple burundais. Alors, nous sommes dans la même logique. Nous savons que la vérité est dans notre camp même si dans le temps présent on dirait que l’on n’a pas toutes les forces pour éradiquer le mal qui semble être plus fort que nous.

2° nous avons cette volonté qui nous pousse à toujours combattre ce mal. Pour nous ce qui compte le plus c’est que nous nous efforçons, jour après jour, d’accroître nos capacités pour qu’un jour on puisse vaincre et faire acculer toutes ces forces du mal incarnées par le pouvoir CNDD-FDD de Nkurunziza.

Donc pour nous, on ne peut pas dire qu’on a perdu notre temps. La bataille continue jusqu’au jour de la victoire finale. 

Vous incriminez le président Nkurunziza dont le mandat prendra fin avec les élections de 2020 s’il tient ses promesses. Est-ce qu’on peut dire que le départ de Nkurunziza signifie la fin de votre combat ?

Notre ne combattons pas une seule personne, c’est une lutte contre le système dictatorial présidé par Nkurunziza. Même si demain il ne se représente pas, pour nous le problème c’est le régime dictatorial qui est toujours là. Vous vous souvenez que c’était la même chose lors des régimes antérieurs qui avaient semé la désolation et qui ont été contestés jusqu’à arriver aux traités de paix d’Arusha qui ont mis fin à des troubles internes. Nous voulons un régime qui applique la volonté du peuple burundais dans son ensemble, pas un régime qui défend seulement ses propres intérêts. Nous ne pouvons pas tolérer les incarcérations, les disparitions, et les assassinats.

Lorsque vous étiez encore membre de la ligue des Imbonerakure, vous avez été déçu par le CNDD-FDD. Le système de l’opposition en exil ne vous a apparent pas plu, non plus, puisque vous avez quitté le CNARED pour créer un nouveau parti. Les jeunes ne sont-ils pas écoutés selon vous ?


J’ai démissionné non seulement au CNARED mais aussi dans le parti PPD-Girijambo. On nous bloquait ou on n’écoutait pas les doléances des jeunes. Alors, je n’ai pas eu d’autre choix que de céder la place pour permettre à la jeunesse d’avoir un terrain libre pour pouvoir contribuer politiquement sans être bousculés. C’est dans la même logique que l’on a voulu avoir un terrain politique libre à nous et à cette jeunesse à qui on avait fermé toutes les portes. L’idée de créer ce parti est venue de plusieurs jeunes. Nous ne tentons pas de créer des conflits entre nous et nos aînés mais l’essentiel pour nous c’est de contribuer poliment, dans la mesure du possible, pour la paix, la tranquillité et la liberté pour lesquelles nous militons depuis 2015.



Ce qui nous a poussé à lutter contre Nkurunziza c’est cela même qui nous pousse à protéger nos droits. Nous ne pouvions pas accepter qu’on puisse nous dicter des volontés qui sont en dehors de notre pulsion ou de notre créativité sinon on serait comme des imbonerakure qui sont téléguidés par leurs aînés du CNDD-FDD. Même si nous sommes encore jeunes, nous ne sommes pas leurs escaliers sur lesquels ils peuvent monter pour atteindre seulement leurs propres objectifs.

Nous sommes là pour contribuer mais pas pour être téléguidés. Alors ce parti politique que nous avons mis en place est un outil pour continuer la lutte contre le mal incarné par Nkurunziza.

Certains de vos amis Imbonerakure ne cachent plus leur volonté de défendre le régime par les armes. Mais il y a aussi d’autres jeunes qui ont décidé de prendre les armes contre le régime en place. Quel résultat à espérer dans ce recours aux armes, selon vous ?


Les imbonerakure qui sont dans la logique de renforcer la dictature, même si dans le passé ils étaient mes collègues, ils ne sont plus mes amis. Ca il faut le signaler. Mais, il y a d’autres imbonerakure qui sont là parce qu’ils sont obligés d’être là. J’espère qu’un jour, ils auront la possibilité de pouvoir, quand même, contribuer dans la logique de déraciner ce mal.

Alors, pour les imbonerakure qui ont pris les armes en voulant protéger et renforcer la dictature au Burundi, je leur dirais qu’ils se trompent. Un jour, ils verront qu’ils ont été roulés dans la farine comme l’ont été d’autres jeunes dans le passé. Prenons l’exemple des jeunes qui ont commis le génocide au Rwanda, aujourd’hui ils errent à gauche et à droite. Dans des pays étrangers, ils vivent en cachette. Certains vivent dans les forêts à cause des crimes qu’ils ont commis alors qu’ils étaient juste des exécutants. C’est un clin d’œil que je ferais à ces imbonerakure qui pensent qu’ils sont protégés actuellement. Mais tôt ou tard, ils finiront par répondre individuellement aux crimes qu’ils auront commis.

Nkurunziza, qu’il le veuille ou pas, le peuple burundais ne se laissera pas faire. Le peuple poursuivra sa lutte jusqu’à ce que son régime soit déraciné, soit acculé.

D’où viendra alors la solution de la crise burundaise selon vous ?  

La solution de la crise burundaise viendra des burundais eux-mêmes. Des contributions étrangères peuvent venir mais sous forme de renforcements de ce que les burundais auront commencé. 
La solution à la crise burundaise est dans la conscientisation du peuple burundais pour lui faire comprendre que la première responsabilité de se libérer de la dictature lui revient.