Il y a exactement trois semaines que les proches et les amis de Jean Marie Vianney Havyarimana n’ont pas de ses nouvelles. Pourtant, lorsque ce résidant du site des déplacés de Bugendana a été enlevé sur la RN15 par les hommes en uniforme policière, l’administratrice de la commune Bugendana était sur les lieux. (Le Mandat)
« J’appelle le commissaire. » a réagi l’administratrice de la commune Bugendana quelques secondes après le départ de la camionnette qui a emporté Vianney Havyarimana, indique une source qui était sur place.
Au cours de cette matinée du dimanche 26 août, plus précisément à 8h45min selon les témoins, quatre hommes, qui portaient des imperméables policières, sont sortis d’une camionnette double cabine aux vitres teintées pour « interpeller » Jean Marie Vianney Havyarimana sur cette route située à environ quatre cent mètres du site des déplacés de Bugendana, ont témoigné les sources qui étaient sur place.
« Es-tu Vianney ? », ont demandé les ravisseurs aux deux personnes qu’ils venaient d’isoler du groupe. « Non, Vianney c’est celui-ci ! », a répliqué l’un d’entre eux. Les témoins expliquent que les quatre hommes ont obligé Vianney de les suivre avant de l’embarquer de force dans la camionnette qui ne portait pas de plaque d’immatriculation.
Les témoins indiquent que la camionnette a pris la direction de la province Ngozi sur cette route nationale numéro 15 communément appelée route Gitega-Ngozi.
L’administratrice confirme sa présence sur la RN15 ce jour-là
« Ce jour-là, j’étais dans les parages et j’ai immédiatement alerté par téléphone le commissaire provincial de la police. » a expliqué l’administratrice Béatrice Bukuru dans la réunion de sécurité du 3 septembre.
L’administratrice avait déjà donné des explications au représentant des déplacés, juste après l’incident, avait rapporté une source sur place. Selon cette dernière, l’administratrice Béatrice Bukuru lui avait dit qu’elle avait suivi toute la scène et qu’elle avait alerté le commissaire provincial de la police et le gouverneur de la province Gitega. Selon la même source, l’administratrice avait expliqué que sa présence sur les lieux s’expliquait par le contrôle qu’elle effectuait dans sa boutique située sur cette route et par le fait qu’elle faisait coiffer ses enfants sur la même route dans cette matinée de dimanche.
Certains déplacés de Bugendana, eux, soupçonne la complicité de l’administratrice Béatrice Bukuru dans l’enlèvement de Jean Marie Vianney Havyarimana. « Ce n’est pas du tout normal de voir l’administratrice se lever aussi tôt le dimanche pour se rendre sur la route! », a lancé un déplacé.
L’autre suspect, le Service National de Renseignement
L’envoyé du chef du service national de renseignement à Gitega n’a dit mot au cours de la réunion du 3 septembre dans laquelle étaient également présents le gouverneur de la province Gitega Venant Manirambona, le commandant de la deuxième région militaire, le commissaire provincial de la police Melchior Hakizimana, l’administratrice de Bugendana Béatrice Bukuru ainsi que le député du CNDD-FDD originaire de Gitega Lazare Mvuyekure.
« Le silence du SNR sur ce dossier sensible montre qu’il cache quelque chose. » a lancé un déplacé qui a participé dans la réunion.
Toute l’administration est « coupable » selon le député Fabien Banciryanino
L’élu de Bubanza a mis en garde toute l’administration de la province Gitega lors des cérémonies de commémoration des massacres des déplacés de Bugendana de 1996. Dans son discours, Fabien Banciryanino a indiqué que, selon la loi en vigueur, le chef de la sous-colline, qui s’est tu alors que ses habitants ont été enlevés, répondrait de son acte un jour devant la justice. « La même chose va s’appliquer pour le chef de colline, l’administrateur, le gouverneur ainsi que pour toute autorité qui restera indifférente alors que ses habitants sont portés disparus. » a ajouté le député issu des indépendants d’Amizero y’Abarundi.
« Nous demandons à ceux qui se trouvent ici de faire un effort pour retrouver cette personne. Et nous espérons qu’elle soit retrouvée vivante. » a ensuite lancé Fabien Banciryanino devant les participants aux cérémonies.
« Si elle a commis des infractions, qu’elle soit jugée. C’est normal qu’un fautif soit puni. Mais on sait également qu’aussi longtemps que la justice ne l’a pas déclaré coupable, elle reste innocente même si l’on arrête après avoir tiré sur quelqu’un en public. Et en attendant le jugement, la personne a le droit d’avoir des visites de ses proches. Et personne n’a le droit de dire que la personne est morte quand c’est faux. Qu’on ne le condamne pas à mourir. » a poursuivi Fabien Banciryanino.
« Espérons que ces autorités communales et provinciales vont le retrouver parce qu’elles connaissent ces gens. On ne peut pas prétendre qu’il aurait été enlevé par des inconnus parce que dans ce cas le pays aurait été attaqué. Ce qui est impossible parce l’attaque ne peut pas commencer par Bugendana, c’est le centre du pays. D’ailleurs si c’était le cas le véhicule aurait été vu sur les frontières. Non, nous avons des autorités sages capables de résoudre la question. » a conclu Fabien Banciryanino.
Le déplacé de Bugendana était un membre très actif du MSD
Agé de 28 ans, ce père de deux enfants était un grand propagandiste du Mouvement pour la Solidarité et la Démocratie.
Ayant fui le pays après les troubles de 2015, Jean Marie Vianney Havyarimana est revenu au Burundi en 2016 et il exerçait comme rabatteur sur le tronçon Gitega-Ngozi.
Son nom a été évoqué lors de la plénière de mardi devant les deux chambres du parlement où étaient invités le ministre de l’intérieur, celui des droits de l’homme et celui de la justice.
« Les assassinats et les disparitions forcées sont toujours observés au Burundi. La seule différence avec les années antérieures c’est qu’aujourd’hui les corps des victimes sont introuvables. Le cas le plus récent est celui de l’enlèvement d’un déplacé de Bugendana. » a lancé le député Fabien Banciryanino.
Ce jour-là, la ministre de la justice a reproché au député de Bubanza de terroriser la population et elle a demandé aux instances habilitées de le faire comparaître pour présenter des preuves.