Les autorités burundaises envisagent de libérer provisoirement les 25 personnes arrêtées le 22 février dernier à Gitega mais certaines organisations liées d’une manière ou d’une autre à la communauté LGBT risquent d’être radiées au Burundi. La plus visée de ces organisations est l’association Muco. (Le Mandat)
Agréée comme étant une organisation se focalisant sur la lutte contre le VIH/SIDA et la promotion du développement socio-économique, l’association Muco risque d’être radiée par les autorités burundaises même si, selon un juriste, il n’y a pas de base légale tangible sur laquelle la justice pourrait s’appuyer pour agir ainsi. « Mais, la justice burundaise n’a pas besoin de s’expliquer pour prendre une décision. Ses décisions dans de cas pareils sont dictées par les autorités politiques. » Ajoute le juriste. Parmi les 25 personnes incarcérées dans la prison centrale de Gitega depuis lundi, 6 mars 2023, il y a 23 membres de l’association Muco, une sentinelle des bureaux de cette association à Gitega et un formateur de l’association MOLI (Mouvement pour les Libertés Individuelles), une association qui ne cache pas l’une de ses principales missions qui consiste à promouvoir les droits de l’homme et la liberté de la communauté LGBTI.
Après la phase pré-juridictionnelle qui ne devrait pas dépasser 14 jours, nos sources judiciaires proches du dossier signalent que les 25 détenus pourraient bénéficier d’une liberté provisoire qu’accorderait la chambre de conseil.
Ce que dit le code pénal
Le code pénal burundais, jugé discriminatoire à l’égard des homosexuels par certaines organisations des droits humains, prévoit un emprisonnement uniquement pour des relations sexuelles consommées entre des personnes de même sexe.
Article 590 :
Quiconque fait des relations sexuelles avec une personne de même sexe est
puni d’une servitude pénale de trois mois à deux ans et d’une amende de cinquante mille
à cent mille francs burundais ou d’une de ces peines seulement.
Des sources policières, l’Officier de Police Judiciaire et quelques policiers, qui avaient un mandat de perquisition et qui ont fait une fouille-perquisition au bureau de l’association Muco le 22 février dernier, y ont trouvé des gels lubrifiants et des documents évoquant la défense des droits de la communauté LGBT au Burundi. Même si les membres de l’association Muco ont indiqué à la police que, ce jour-là, ils participaient à la formation sur l’entrepreneuriat, ils ont été accusés de faire la promotion de l’homosexualité.
Article 587 :
Quiconque a exposé, vendu ou distribué des chansons, pamphlets ou autres écrits, imprimés ou non, des figures, images, emblèmes ou autres objets contraires aux bonnes mœurs, est condamné à une amende de cinquante mille à cent mille francs burundais.
Est puni des mêmes peines, quiconque a, en vue du commerce ou de la distribution, détenu, importé ou fait importer, transporté ou fait transporter, remis à un agent de transport ou de distribution, annoncé par un moyen quelconque de publicité des chansons, pamphlets, écrits, figures, images, emblèmes ou objets contraires aux bonnes mœurs.
Dans les cas prévus par les alinéas précédents, l’auteur de l’écrit, de la figure, de l’image, celui qui les a imprimés ou reproduits, les fabricants de l’emblème ou de l’objet sont punis d’une amende de cinquante mille à cent mille francs burundais.
Quiconque a chanté, lu, récité, fait entendre ou proféré des obscénités dans des réunions ou lieux publics devant plusieurs personnes et de manière à être entendu de ces personnes, est puni d’une amende de dix mille à vingt mille francs burundais.
Article 588 :
Quiconque a publiquement outragé les mœurs par des actions qui blessent la
pudeur est puni d’une amende de cinquante mille francs à cent mille francs.
Selon un juriste, même en cas de violation de l’article 587 du code pénal, l’Officier de Police Judiciaire ou le Ministère Public devrait prononcer une amende transactionnelle et classer sans suite le dossier.
La question des devises qui revient
Le régime CNDD-FDD peine à trouver des solutions durables à la crise financière que traverse l’un des pays les plus pauvres de la planète. Une partie des militants du parti au pouvoir soutiennent qu’il faut traquer les devises étrangères par tous les moyens, y compris par des stratégies déloyales. Ces ténors du parti présidentiel et certains leaders des organisations de la société civile burundaise estiment que les bailleurs de fonds occidentaux privilégient actuellement certaines organisations plus que les autres.
Ainsi, comme pour le dossier des organisations des 5 défenseurs des droits humains détenus depuis environ un mois, les autorités burundaises s’intéressent à l’origine des financements des organisations pro-LGBT, surtout les financements en devises. La question de savoir si l’association Muco avait accès aux devises étrangères, que le pays manque cruellement, est revenue à plusieurs reprises au cours des interrogatoires.
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En décembre 2021, le gouvernement a présenté le rapport provisoire d’une « enquête nationale de séroprévalence et de surveillance des comportements face au VIH au Burundi chez les hommes ayant des rapports sexuels avec les hommes ». Au total, 611 Hommes ayant des rapports Sexuels avec les Hommes ont participé à l’enquête dont 246 en Mairie de Bujumbura, 110 à Gitega, 127 au Nord et 128 au Sud du pays. L’enquête a également révelé que cette population des Hommes ayant des rapports Sexuels avec les Hommes était estimée à 6452 en Mairie de Bujumbura. L’enquête précise aussi que la prévalence du VIH chez les Hommes ayant des rapports Sexuels avec les Hommes est plus élevée qu’au sein de la population générale au Burundi.
Pour mener cette enquête en étroite collaboration avec les membres de la communauté LGBT, le gouvernement burundais a bénéficié de l’appui du Fonds Mondial de lutte contre le SIDA, la Tuberculose et le Paludisme et de l’ONU-SIDA. Dans leur rapport, les autorités burundaises remercient « surtout les associations œuvrant en faveur des Hommes ayant des rapports Sexuels avec les Hommes pour la compréhension et l’encouragement qu’elles ont montré à l’égard de l’équipe d’enquête ». Elles remercient aussi « particulièrement les Hommes ayant des rapports Sexuels avec les Hommes qui ont accepté de participer à l’enquête ».
Environ une année plus tard, le président de la République du Burundi a appelé les Burundais à « maudire les homosexuels, sources de malédictions ». Evariste Ndayishimiye a tenu ces propos au cours de la 14ème édition du National Breakfast Prayer organisé par le parlement burundais le 1er mars 2023.