Burundi : A quoi servira le nouveau mandat du Rapporteur Spécial de l’ONU ?

Dans quelques jours, les pays membres du Conseil des droits de l’homme de l’ONU se prononceront pour ou contre le nouveau mandat du Rapporteur Spécial sur la situation des droits de l’homme au Burundi. Parmi les nouveautés du projet de résolution y relatif élaboré par l’Union Européenne, figurent la réclamation d’élections crédibles dans le pays en 2025 et la pleine coopération avec la Cour Pénale Internationale. Sauf miracle, le mandat du Rapporteur spécial sera renouvelé. (Le Mandat)

Il est fort probable que le « Oui » l’emporte au prochain vote sur le projet de résolution qui proroge d’une année le mandat du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Burundi. La plupart des dispositions de ce projet de résolution sont similaires à celles des résolutions de 2022 et 2023.

Trois points nouveaux

Comparée à la précédente résolution, les initiateurs de l’actuel projet de résolution y ont inséré une disposition qui prône la non-discrimination. Selon cette disposition, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU demande au Gouvernement burundais de « prendre des mesures concrètes pour lutter contre la discrimination sous toutes ses formes et pour garantir à toutes les personnes se trouvant sur son territoire la pleine et égale jouissance des droits de l’homme et des libertés fondamentales, conformément au droit international des droits de l’homme ».

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En plus d’engager le Gouvernement à revenir sur sa décision de dénoncer le Statut de Rome de la Cour pénale internationale comme dans la précédente résolution, une disposition du nouveau projet de résolution engage aussi le gouvernement à « honorer son obligation juridique de coopérer pleinement avec la Cour dans le cadre de l’enquête en cours ».

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Selon une autre disposition du nouveau projet de résolution, le Conseil des droits de l’homme demande au Gouvernement burundais de créer les conditions nécessaires à la tenue d’élections législatives inclusives, transparentes et crédibles en 2025, conformément à ses obligations et engagements internationaux ».

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Dans son rapport de 19 pages présenté le 23 septembre dernier devant le Conseil des Nations Unies aux droits de l’homme, le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Burundi a également tenu à « attirer l’attention sur des facteurs de risque qui, lors des élections législatives et municipales de 2025, pourraient être aussi bien des indicateurs objectifs d’une détérioration de la situation des droits de l’homme que des conséquences d’une telle détérioration ». Fortuné Gaetan Zongo a fourni des explications sur certains facteurs de risque notamment l’impunité et ses conséquences sur la persistance des violations des droits de l’homme, la corruption et ses effets sur la vie économique et sociale, les restrictions de l’espace civique, un contexte sécuritaire volatil, l’exacerbation des tensions sous-régionales, les défis environnementaux ainsi que l’augmentation du coût de la vie et l’inflation.

Réagissant à la question de renouvellement du mandat du Rapporteur spécial, le gouvernement burundais s’est montré impuissant et abattu lors de la 22ème réunion de la 57ème session du Conseil des droits de l’homme de l’ONU. S’exprimant au nom de son gouvernement, l’ambassadrice du Burundi à Génève a dit que l’argumentaire de l’Union Européenne pour proroger le mandat du Rapporteur spécial était « peu convaincant, sinon assez léger ». Selon Elisa Nkerabirori, l’argument invoqué par l’Union Européenne était que « la situation au Burundi reste caractérisée par un contexte volatil et des conditions propices aux violations des droits humains ». Elle a continué de citer l’Union Européenne : « Nous reconnaissons que des mesures positives ont été prises mais avec les élections de 2025 qui approchent, des activités de suivi restent tout à fait pertinentes. »

L’Union Européenne, le principal bailleur de fonds du Burundi et l’initiateur du mécanisme de Rapporteur spécial dans le pays, « reste très préoccupée par le signalement persistant de violations et d’abus des droits de l’homme au Burundi ». Selon sa représentante dans la session du 23 septembre, Lotte Knudsen, « l’Union Européenne encourage le gouvernement à revenir sur sa décision de fermer le bureau du haut-commissaire des Nations Unies pour les droits de l’homme et à collaborer avec les mécanismes en facilitant une visite du Rapporteur spécial ».

Vers la fin du mois d’août, 39 organisations de la société civile burundaise et étrangère ont réclamé le renouvellement du mandat du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Burundi.

De son côté, le principal mouvement rebelle burundais affiche une certaine indifférence quant au mécanisme du Rapporteur spécial. Dans une interview accordée à l’agence de presse « Le Mandat » le 30 septembre 2024, le porte-parole militaire du mouvement RED-Tabara (Résistance pour un Etat de Droit) Patrick Nahimana a déclaré qu’il ne fallait pas beaucoup compter sur l’Organisation des Nations Unies parce qu’elle avait ses limites. Nous lui avions demandé la position de RED-Tabara sur le renouvellement ou non du mandat du Rapporteur spécial de l’ONU sur la situation des droits de l’homme au Burundi. « L’ONU n’a pas beaucoup d’importance, sinon nous serions déjà rentrés [chez nous]. Ceux qui attendent l’ONU, qu’ils attendent. Mais ceux qui veulent rentrer, qu’ils nous rejoignent dans la lutte. Que le mandat du Rapporteur spécial soit prolongé ou pas, cela ne nous dit rien. La cause de notre lutte est connue. »

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Au cours des débats du 23 septembre, il a été demandé à Fortuné Gaetan Zongo les moyens dont il a besoin pour une meilleure exécution de son mandat compte tenu de l’obstruction du gouvernement burundais. Le Rapporteur spécial a focalisé sa réponse sur les ressources. « Il serait utile que mon mécanisme dispose d’une équipe plus étoffée, d’un budget qui me permet de me rapprocher des victimes des violations des droits de l’homme. »