Qui sauvera l’Institut des Sciences Agronomiques du Burundi, l’ISABU ?

Le budget insuffisant, la fuite des cerveaux, l’insuffisance du personnel qualifié, le détournement des fonds et la corruption figurent parmi les problèmes qui hantent l’Institut des Sciences Agronomiques du Burundi. Les clauses de la réunion organisée par le Directeur de la Recherche en mars dernier mettent en évidence la mauvaise gouvernance qui caractérise la seule institution nationale chargée de faire la recherche agricole dans le pays. (Le Mandat)

La recherche agricole est en danger au Burundi selon certains analystes qui dénoncent la mauvaise gouvernance qui mine l’ISABU. Le procès-verbal de la réunion organisée le 18 mars dernier par le Directeur de la Recherche à l’ISABU Willy Irakoze à l’intention des différents Responsables de ce département en dit long sur la paralysie des activités de recherche.

L’impossibilité de recherche en produits de l’Agriculture et de l’Elevage

La Recherche en Valorisation des Produits de l’Agriculture et de l’Elevage (VPAE) est impossible à l’état actuel des ressources humaines et matériel selon les participants à la réunion. Parmi les recommandations, figure la suspension du programme. Pour cause, la réhabilitation du bâtiment qui abritera le laboratoire du programme VPAE à l’Avenue Mwezi Gisabo n’a pas encore commencé parce que l’Office Burundais de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la construction (OBUHA) n’a pas reçu le budget alloué à cette activité. Selon toujours le procès-verbal de la réunion, même si le marché du matériel et équipement est en cours d’exécution, « suite à la dévaluation continuelle du francs burundais, la liste du matériel d’environ 87 articles a été revue à la baisse jusqu’à 37 articles ». Cela va handicaper les activités prévues au laboratoire selon les participants à la réunion. « Il a été constaté également que ce programme ne dispose presque pas de personnel tant scientifique que technique ».

Le manque de capacité du Laboratoire LASPA

Selon les participants à cette réunion, pour les projets exécutés par l’ISABU, il s’observe un retard dans les analyses des échantillons au LASPA notamment le sol, les urines et le compost, alors que ces projets sont payés et devraient être priorisés.

La recommandation des participants à la réunion est que le Laboratoire d’Analyse des Sols et des Produits Alimentaires (LASPA) doit signaler à temps le manque de capacités aux demandeurs de services pour que ces derniers puissent prendre d’autres alternatives. Selon les participants à la réunion, certains partenaires pourraient préférer envoyer les échantillons à analyser dans les laboratoires de la sous-région afin d’éviter ce retard.

La réaffectation illégale des frais de recherche

Le boycott des activités financées par les tiers, une crise de confiance entre l’employeur et les employés surtout que l’employeur s’est illégalement offert les honoraires des équipes de recherche durant les 3 années passées à la commande ainsi que des plaintes devant les juridictions compétentes par les ayant droits sont parmi les conséquences envisagées par les participants à la réunion suite à la « réaffectation illégale des frais de recherche ».

Les participants à la réunion redoutent aussi « une décision fatale des partenaires en défaveur de l’ISABU une fois informés de cette mauvaise gestion financière ».

Pour éviter cela, il faut respecter les instructions du Conseil d’administration de l’ISABU du 10 Octobre 2023 selon les participants à la réunion qui ont fortement recommandé de respecter scrupuleusement les recommandations de répartir les 60% à l’équipe impliquée à l’exécution des activités du projet et reverser les 40% au trésor public étant donné que l’Etat finance l’ISABU en tout dans le cadre du PTBA, le Plan de Travail et Budget Annuel. Ils ont également recommandé de rétablir les ayants droit pour tous les arriérés des trois dernières années.

Le DG réclame l’arbitrage du Ministre

Le Directeur Général de l’ISABU accuse, de son côté, le Directeur de la Recherche d’appeler le personnel à la révolte. Selon le DG Alfred Niyokwishimira, le Directeur de la Recherche dénonce son incompétence, l’incompétence des autres membres du Comité de Direction ainsi que l’incompétence du Ministère de tutelle. Dans sa correspondance du 29 mars 2024, dont l’objet est « Analyse de vos PVs des Réunions », le DG de l’ISABU appelle le ministre de l’environnement, de l’agriculture et de l’élevage Prosper Dodiko, auquel il réserve la copie, à « arbitrer cette situation et prendre des mesures appropriées et équitables dans l’intérêt de l’Institut ».

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Depuis leur nomination à la tête de l’ISABU en 2020, le Directeur Général Alfred Niyokwishimira et le Directeur de la Recherche Willy Irakoze sont accusés par certains chercheurs de mener une politique floue, dégradante et humiliante. Selon nos sources, qui estiment que les deux hauts cadres ont enterré presque définitivement l’ISABU, plusieurs commissions ont été créées pour les écouter au sein du ministère de tutelle et au sein de la présidence de la République mais aucune solution durable n’a été trouvée. Et la fuite des cerveaux, surtout des docteurs, liée à la mauvaise gouvernance au sein de cette institution, se poursuit jusqu’à l’heure actuelle.

Photo : A gauche, Dr Alfred Niyokwishimira, le Directeur Général de l’ISABU et à droite, Dr Ir Willy Irakoze, le Directeur de la Recherche de l’ISABU