Ces groupes rebelles qui « déstabilisent » la région des grands lacs

Les Nations Unies en citent quatre. Elles considèrent sans doute ces groupes armés comme les plus actifs de la région des grands lacs. Au Conseil de Sécurité, l’Envoyé Spécial d’Antonio Guterres dans la région a qualifié de déstabilisateurs les 4 groupes rebelles originaires de la RDC, du Rwanda, de l’Ouganda et du Burundi. (Le Mandat)

Parmi les plus de 120 mouvements armés qu’abrite la République Démocratique du Congo, Xia Huang a cité les plus importants. Selon l’Envoyé Spécial du Secrétaire Général de l’ONU dans la région des grands lacs, ces groupes armés « alimentent l’insécurité dans l’Est de la République Démocratique du Congo et ravivent la méfiance et les tensions entre les pays de la région ».

Le M23

Le Mouvement du 23 Mars a occupé le chef-lieu et les principales agglomérations du territoire de Rutshuru au Nord-Kivu, trois jours seulement après la session du Conseil de Sécurité des Nations Unies sur la région des grands lacs tenue le 26 octobre dernier. Dans son intervention au Conseil de Sécurité, le représentant du gouvernement de la République Démocratique du Congo a accusé le Rwanda d’occuper le territoire de Bunagana sous le couvert du M23. C’était après que le représentant du gouvernement du Rwanda a accusé la RDC d’entretenir sur son territoire les FDLR. En ce qui concerne le M23, la France a demandé son retrait de toutes les localités occupées. De leur côté, les Etats-Unis d’Amérique ont demandé aux acteurs étatiques de cesser leur soutien aux groupes armés, y compris l’assistance de l’armée rwandaise au M23.

Le M23 a vu le jour début 2012 sous la directions de Sultani Makenga et Bosco Ntaganda selon le baromètre sécuritaire du Kivu. « Bien qu’il ait rapidement acquis une force de combat importante, menant à une occupation historique de Goma en novembre 2012, le M23 a été rongé par des fissures internes dès le début et n’a jamais réussi à développer la force du CNDP de Laurent Nkunda. Suite à une pression internationale importante, le M23 a quitté Goma après environ deux semaines et a participé aux pourparlers de paix à Kampala avec le gouvernement congolais. Il s’est scindé en deux factions en février 2013, dirigées respectivement par Bosco Ntaganda et Sultani Makenga. Avec la fuite du groupe de Ntaganda au Rwanda en mars 2013, le bloc de Makenga a dû faire face à une pression croissante des bataillons commandos des FARDC et à une brigade d’intervention de l’ONU agressive, ce qui a finalement conduit à sa disparition en novembre 2013. Début 2017, certains membres de l’ancien M23 ont tenté une brève relance dans le territoire de Rutshuru. Il y a eu des rapports occasionnels d’activité de l’ex-M23 dans les territoires de Rutshuru et de Masisi, mais en 2020, le mouvement se limitait autour du mont Mikeno. »

Les FDLR

Actuellement présentes en RDC et dans la réserve naturelle de la Kibira au Burundi, les Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda constituent une menace pour la population rwandaise selon les autorités de Kigali. Au Conseil de sécurité, la France a appelé à la coopération pour mettre fin à l’action des FDLR et des autres groupes armés étrangers en RDC.

Le Baromètre sécuritaire du Kivu indique que la création des FDLR remonte à 2000, lorsque les ALiR I et II (Armée pour la Libération du Rwanda I et II), les rébellions composées de troupes de l’ancienne armée rwandaise vaincue à la suite du génocide et de diverses milices affiliées, ont fusionné. « L’impulsion pour le changement de nom était de mettre de côté leurs liens avec le génocide contre les Tutsi, dans lequel certains de ses dirigeants avaient été impliqués. Les FDLR sont la branche politique de l’organisation; la branche armée est les Forces Combattantes Abacunguzi (FOCA) ».

« Atteignant le sommet de leur puissance militaire et économique au début des années 2000, les FDLR ont commencé à subir des défections, le RUD-Urunana et les FDLR-Soki se séparant. Il s’en est suivi une série d’opérations militaires anti-FDLR menées par l’armée congolaise, appelées Umoja Wetu et Amani Leo, bien que celles-ci aient souvent été entravées par la collusion entre les FDLR et les FARDC. Les FDLR ont perdu un grand nombre de leurs principaux commandants à la suite d’une série de redditions, de captures et d’assassinats mais ont longtemps conservé le même leadership : le lieutenant général Sylvestre mudacumura, recherché depuis 2012 par la Cour Pénale Internationale en vertu d’un mandat d’arrêt pour des crimes de guerre présumés commis dans l’Est du Congo, pour la partie militaire et le major général Victor Byiringiro, pour sa branche politique ».

« En 2016, la plus importante scission interne des FDLR a conduit à la création d’une autre faction dissidente, le CNRD-Ubwiyunge. Depuis lors, les activités des FDLR se sont largement limitées à l’ouest de Rutshuru et au nord du territoire de Masisi. Alors que les FDLR comptaient environ 6500 combattants en 2008, les effectifs du groupe en 2020 étaient estimés entre 500 et 1000 combattants. Le groupe a également perdu le contôle de la plupart du territoire et des zones minières qu’il contrôlait auparavant. Une pénurie de munitions limite la capacité opérationnelle des FDLR. Suite aux pressions militaires du NDC-R et des FARDC, ainsi qu’à la mort de Mudacumura en 2019, les effectifs des FDLR ont encore diminué. En 2020, le groupe, désormais dirigé par Omega et Gaby Ruhinda, a profité de la scission du NDC-R pour se rétablir lentement dans la région de Bwito avec l’aide de son principal allié, le CMC ».

Les ADF

C’est ce groupe rebelle qui a poussé le gouvernement congolais à déclarer un état de siège dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu depuis le 6 mai 2021. Un état de siège qui n’a pas donné de résultats palpables jusqu’à présent selon certains analystes et hommes politiques congolais.

Selon le Baromètre sécuritaire du Kivu, les ADF (Forces Démocratiques Alliées) sont apparues en opposition au gouvernement ougandais avant de se transformer en un mouvement islamiste basé au Congo après la fusion avec la National Army for the Liberation of Uganda (NALU) sous la direction de Jamil Mukulu. « Ces 15 dernières années, leurs principaux camps ont été établis dans les Monts Rwenzori et la vallée de la Semuliki, en territoire de Beni. Les ADF sont une organisation secrète dotée d’une discipline interne stricte. Elles ont des liens historiques étroits avec d’autres groupes armés de la région, notamment ceux dirigés par d’anciens membres du Rassemblement congolais pour la démocratie-Kisangani/Mouvement de libération (RCD-K/ML) de Mbusa Nyamwisi et des chefs coutumiers locaux, dont ceux des communautés Vuba et Pakombe ».

Selon toujours le Baromètre sécuritaire du Kivu, en 2014, les FARDC ont lancé l’opération Sukola I contre les ADF, ce qui a entraîné la destruction d’un grand nombre de leurs camps et la mort de centaines de leurs combattants et de leurs partisans. « En 2015, leur chef Jamil Mukulu a été arrêté en Tanzanie et extradé vers l’Ouganda, laissant le groupe sous le commandement de Seka Musa Baluku. Quoiqu’il n’y ait pas eu de scission importante au sein du groupe, leurs unités opèrent de manière largement indépendante sur une vaste zone. Le groupe a été impliqué dans de nombreux massacres autour de Beni depuis fin 2013, souvent en collaboration avec des groupes armés locaux et des membres des FARDC. Leur force et leur structure actuelles sont mal définies ».

RED-Tabara

Après l’officialisation, en août dernier, du déploiement des militaires burundais à l’Est de la République Démocratique du Congo, le mouvement de Résistance pour un Etat de Droit reste sur ses gardes pour contrer les attaques des soldats et des imbonerakure en provenance du Burundi.

Réagissant aux récents propos de l’Envoyé Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies au Conseil de Sécurité, le mouvement RED-Tabara a signalé qu’il était un mouvement de libération national qui cohabitait en harmonie avec les populations locales et qui ne s’est jamais rendu coupable des méfaits attribués aux groupes criminels armés. Ces rebelles burundais en ont profité pour accuser les Nations Unies d’avoir échoué à rétablir au Burundi l’Accord d’Arusha dont elles sont garantes et que, par conséquent, leur combat pour un retour d’un Etat de Droit dans ce pays était légitime.

En février dernier, après plusieurs incursions sans résultats palpables, l’armée burundaise avait décidé de déployer une force spéciale au Sud-Kivu pour traquer les rebelles du RED-Tabara. Ces derniers ont intercepté ces soldats de l’armée régulière au niveau de la Rusizi.

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Le 19 septembre 2021, le mouvement RED-Tabara a attaqué l’aéroport international de Bujumbura à l’aide des obus qui n’ont pas fait beaucoup de dégâts. Les combats de grande envergure sur le sol burundais entre le mouvement RED-Tabara et l’armée régulière remontent au mois de septembre 2020. Les affrontements avaient été signalés dans les provinces de Bujumbura Rural, Rumonge et Bururi, principalement dans les communes Bugarama, Burambi et Mugamba. Au cours du même mois, les combats avaient fait rage dans les communes de Kabarore et Bukinanyana des provinces Kayanza et Cibitoke.

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Selon les Nations Unies, près de 5 millions de réfugiés et des demandeurs d’asile ont fui, dans la région des grands lacs, en raison de la violence et aux facteurs liés au climat. Environ 12 millions déplacés à l’intérieur de leurs propres pays sont enregistrés au Burundi, au Soudan du Sud et en Ouganda selon Xia Huang.

Au cours des débats dans lesquels ont participé, entre autres, les représentants de l‘Irlande, du Burundi, de la Norvège, des Etats-Unis d’Amérique, du Royaume-Uni, du Kenya, de l’Albanie et de l’Afrique du Sud, il a été recommandé de lutter contre l’exploitation illégale des ressources naturelles en RDC, les messages de haine conduisant à la violence et la concrétisation des processus de Nairobi et de Luanda.

La France a appelé tous les groupes armés congolais à participer sans condition au programme de désarmément, démobilisation, relèvement communautaire et stabilisation et les groupes armés étrangers à déposer immédiatement les armes et réintégrer leurs pays d’origine. Le représentant du gouvernement congolais, lui, a demandé au Conseil de sécurité de s’impliquer pour s’assurer que chaque pays de la région des grands lacs règle ses différends avec ses propres combattants ou rebelles.

La stabilisation de la région et la restauration de la confiance est un processus long exigeant une mobilisation constante et significative de la communauté internationale en appui aux efforts des gouvernements et des peuples de la région selon Huang Xia. L’envoyé spécial d’Antonio Guterres dans la région estime que seule l’action coordonnée, cohérente et harmonieuse permettra d’accompagner les grands lacs sur le chemin de la paix et du développement durable.