Depuis environ une semaine, la Force de Défense Nationale du Burundi fait l’une des plus importantes incursions en République Démocratique du Congo depuis la fin du troisième mandat contesté de Pierre Nkurunziza. L’actuel président de la République du Burundi s’était, sans doute, donné un peu de temps pour y réfléchir. Huit mois après son investiture, Evariste Ndayishimiye décide alors d’opérer de la même façon que son prédécesseur.
Vers la fin du troisième mandat de Pierre Nkurunziza, les incursions de l’armée burundaise au Sud-Kivu étaient régulières, occasionnant parfois des accrochages avec les Forces Armées de la République Démocratiques du Congo, les FARDC.
En mai 2020, le président congolais aurait même donné un deadline de 48 heures à son homologue burundais pour que son armée quitte le territoire congolais. Les sources sur place signalent que l’armée burundaise a des alliés parmi les groupes armés congolais et étrangers opérant dans cette partie de l’Est de la République Démocratique du Congo.
Dans un rapport intitulé « Baromètre Sécuritaire du Kivu » et publié en février 2021, le Groupe d’Etude sur le Congo et Human Rights Watch confirment cette collaboration. Le Baromètre Sécuritaire du Kivu indique que « les incursions de l’armée burundaise et de ses forces auxiliaires imbonerakure se sont intensifiées sur le sol congolais, souvent en collaboration avec les milices de la plaine de la Ruzizi ».
Après quelques mois de trêve, la société civile congolaise signale de nouvelles incursions des forces armées burundaises. Cité par Media Congo, APEVOV évoque plusieurs incursions des éléments armés en provenance du Burundi à travers la plaine de la Rusizi, en territoire d’Uvira au Sud-Kivu. Selon cette organisation locale de défense des droits de l’homme, le dernier groupe de ces éléments armés serait passé, vendredi soir, à Kanango, un intervalle entre Nyakarebe 2 et Kyanyunda.
Les sources sur place indiquent que les forces armées burundaises recherchent les groupes rebelles qui auraient des bases à l’Est de la République Démocratique du Congo.
Les FNL et le RED-Tabara ?
Selon le Baromètre Sécuritaire du Congo, qui a identifié 122 groupes armés à l’Est de la République Démocratique du Congo jusqu’en octobre 2020, « certaines parties de l’opposition armée burundaise, ayant choisi Uvira et Fizi comme bases arrières pour organiser la résistance, ont conclu des alliances de convenance dans le paysage tentaculaire des groupes armés dans la plaine de la Ruzizi ».
Selon ce rapport, il y a seulement deux groupes armés burundais à l’Est de la République Démocratique du Congo. Les Forces Nationales de Libération (FNL) et le mouvement de la Résistance pour un Etat de Droit (RED-Tabara). Les Forces Républicaines du Burundi (FOREBU) ont disparu selon ce rapport.
D’une part, les FNL opèrent principalement en dehors de la plaine de la Ruzizi et des Moyens Plateaux du territoire d’Uvira, avec des incursions occasionnelles au Burundi. Leur chef d’Etat-major Aloys Nzabampema a été régulièrement accusé de recrutement d’enfants et son groupe est un acteur majeur en termes de vol de bétail dans la plaine de la Ruzizi selon le Baromètre Sécuritaire du Kivu. Bien qu’il ne soit plus allié aux « FNL » d’Agathon Rwasa au Burundi, ce groupe représentait la principale opposition armée contre le gouvernement burundais actuel jusqu’en 2016 selon ce rapport qui souligne que ce statut est aujourd’hui remis en question en raison de l’émergence de nouveaux groupes d’opposition burundais, des relations peu claires de Nzabampema avec l’armée burundaise et de la séparation avec Shuti Baryanka qui a, par la suite, été tué.
D’autre part, ces chercheurs affirment que les recrues de la Résistance pour un Etat de Droit (RED-Tabara) sont liées à l’aile militante du parti d’opposition, le Mouvement pour la Solidarité et la Démocratie (MSD) d’Alexis Sinduhije. Leur présence en République Démocratique du Congo, selon ces chercheurs, a incité l’armée burundaise à recruter des milices congolaises pour les combattre. Le Baromètre Sécuritaire du Kivu indique également que le mouvement RED-Tabara a pu lancer plusieurs opérations au Burundi depuis 2015, notamment à Cibitoke et Gatumba en 2018 ainsi que dans la Kibira en 2019.
Au Burundi, les récents combats datent des mois d’août et de septembre 2020 entre le mouvement RED-Tabara et les forces gouvernementales principalement dans les localités du sud du Burundi.
La meilleure défense c’est l’attaque, commente un analyste sur l’intervention de l’armée burundaise en République Démocratique du Congo. En franchissant la frontière congolaise, le régime actuel veut également montrer qu’il est capable de combattre ses ennemis même au-delà de ses frontières, conclut l’analyste.