Il a participé à presque toutes les protestations contre la révision de la constitution qui visait à accorder un mandat supplémentaire au président de la République.
En 2014, Chauvineau MUGWENGEZO en collaboration avec le président du parti MSD ont planifié une manifestation, déguisée en sport de masse, pour, entre autres, contester un éventuel mandat supplémentaire du président Pierre Nkurunziza qui se profilait déjà à l’horizon.
La révolte a été réprimée à coups de balles réelles par la police burundaise qui n’a pas hésité à attaquer la permanence nationale du parti MSD où s’étaient retranchés Chauvineau MUGWENGEZO, Alexis SINDUHIJE ainsi que certains membres de leurs partis respectifs.
Reconnu actuellement comme président de l’UPD-Zigamibanga par une partie des membres suite aux crises répétitives au sein du comité central de ce parti, Chauvineau MUGWENGEZO se dit toujours déterminé à combattre un système qui a violé et la constitution et l’accord d’Arusha.
Monsieur Chauvineau MUGWENGEZO, vous avez participé dans presque tous les mouvements contestataires du troisième mandat en 2014 et même en 2015 avant et après l’approbation de la candidature du président Pierre NKURUNZIZA par son parti. Aujourd’hui en 2019, vous arrive-t-il de penser que vous avez fait tout ça pour rien ?
En ma qualité de Vice-président et Porte-parole de l’ADC-Ikibiri, j’ai participé à la Manifestation du 8 Mars 2014 pour contester l’élan et la menace de Nkurunziza de violer la Constitution de la République du Burundi et d’autres pratiques qui mettaient en péril les acquis d’Arusha. C’est ainsi que nous avons lancé, dans le cadre de l’ADC-Ikibiri, un ultimatum visant à obtenir, de la part du pouvoir, la renonciation de tout projet de révision de la Constitution. Après plusieurs tractations avec le pouvoir qui nous a envoyé des émissaires pour nous convaincre de surseoir à notre ultimatum, nous avons campé sur notre décision de manifester pour le 08/03/2014. La nuit du 7 au 8 mars a été caractérisée par beaucoup de messages y compris notre assassinat, SINDUHIJE et moi-même, en pleine manifestation. Mais nous avons campé sur notre position.
C’est ainsi que la Manifestation du 8/3/2014 a connu une large mobilisation, d’abord en ville où elle a été perturbée par les Forces de l’Ordre, ensuite à la Permanence nationale du MSD où les manifestants s’étaient repliés. Dieu seul sait comment les choses ont tourné pour que nous soyons encore de ce monde. Mais ce qu’on déplore pour ce jour-là ce sont les dégâts humains; beaucoup de blessés et plus de 700 emprisonnements et dégâts collatéraux.
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Le deuxième événement malheureux et dont les conséquences sont inestimables est le deuxième niveau de contestation lié au Troisième mandat. Quand le rubicon venait d’être franchi. J’ai participé à la contestation contre le 3ème Mandat sous la casquette du Mouvement ARUSHA, un Mouvement qui venait d’être mis en place par toute la Classe politique d’Opposition. En effet, ce cadre m’avait désigné pour diriger une contestation contre le 3ème Mandat. C’est dans ce contexte que la Société civile s’est associée à l’opposition pour une contestation qui devrait s’étendre sur l’ensemble du Territoire burundais, l’objectif étant de pousser NKURUNZIZA à renoncer et à respecter la Constitution de la République et l’Accord d’Arusha pour la Paix et la Réconciliation. J’ai eu le privilège de diriger et de présider toutes les réunions dans le cadre des préparatifs pour atteindre cet objectif.
Malheureusement, Nkurunziza s’y était préparé en conséquence car, au lieu de s’inscrire dans cette logique, il a réprimé notre manifestation pacifique en tuant les manifestants sans scrupule. Beaucoup ont été assassinés dès le deuxième jour, y compris des mineurs qui ne revendiquaient que le respect de l’Accord d’Arusha.
Pour ma part, le constat amer que quatre ans plus tard les Burundais continuent à être tués, rien que parce qu’ils ont, soit manifesté, soit ont des liens avec les contestataires de 2015.
Quatre ans plus tard, nous sommes fiers de cette contestation politique dont l’objectif n’était rien d’autre que de faire respecter la loi fondamentale de la République. Ce fut une première malgré la souffrance infligée par le pouvoir sanguinaire au peuple burundais. Je rends particulièrement hommage à toutes les victimes de la barbarie du pouvoir de NKURUNZIZA. Il s’est accroché au pouvoir certes mais le monde aura pris le temps nécessaire pour connaître à fond l’homme qui a été perçu hier comme libérateur du peuple burundais. Il incarne désormais le malheur, l’absolutisme, et le sanguinaire hors pair. Et cela fait aujourd’hui l’unanimité. En définitive, il n’en est sorti vainqueur, loin de là ! Surtout le monde entier a aujourd’hui le regard tourné sur lui.
Vous semblez attribuer au président Pierre NKURUNZIZA tous les malheurs du peuple burundais. S’il tient ses promesses de ne pas se représenter, son mandat expire avec les présidentielles de 2020. A ce moment, quel sera le sens de votre combat ?
Je pense qu’on devrait faire attention de ne pas confondre les choses. Il y a le fait d’avoir violé la loi fondamentale qui limitait les mandats présidentiels à deux. Mais lui est allé au-delà. Ce qui a provoqué la désintégration totale de toutes les articulations du tissu socio-politique, économique du Burundi dont les conséquences aujourd’hui ne sont plus à démontrer. Entre autres les équilibres prônés par l’Accord d’Arusha ne sont plus de mise. Le peuple burundais est soumis à une dictature sans précédent, la démocratie, l’économie et les valeurs républicaines se sont effondrées. La diplomatie est au point mort etc … Pour moi donc que le mandat expire ou pas, notre système politique peinera à se relever tant les dégâts causés par cette violation sont inestimables.
Alors, la question que tout le monde se pose aujourd’hui à la veille des élections de 2020 est l’alternance politique au sommet de l’Etat tel que promis par NKURUNZIZA. Tous naïfs qu’ils sont, les Burundais risquent d’être embarqués par cette déclaration et oublier l’essentiel. Mais notre pays est miné par un système politique incarné par NKURUNZIZA. A supposer qu’il traduise dans les faits sa fameuse promesse de ne pas se représenter aux élections 2020. Mais les Burundais ne doivent pas perdre de vue que le Système restera le même. Je défie quiconque me prouvera le contraire car tout tient au système. On aura déshabillé Saint Pierre pour habiller Saint Paul.
En définitive, et pour le cas d’espèce, la restauration ou le recouvrement de notre démocratie, l’harmonie et la cohabitation politique et sociale impliquent la transformation profonde du Système CNDD-FDD. Il faut qu’il soit profondément réhumanisé pour prétendre impulser une nouvelle dynamique capable d’assurer une alternance au sommet de l’Etat.
Le peuple burundais peut-il espérer cette restauration de la démocratie à travers l’opposition alors que vous êtes plus divisés que jamais ?
La division au sein de l’opposition tient sur les élections de 2020. Car cela représente un enjeu national dans le contexte politique national. L’opinion publique est très préoccupée par la division qui semble miner l’opposition politique burundaise. Mais je dois dire que tant que les partis politiques ne partagent pas la même idéologie, ne pas s’accorder sur certaines choses est pour moi normal. Mais quand ça touche les enjeux majeurs tels que les élections de 2020, on doit s’attendre à des divergences. S’agissant de notre opposition, les élections de 2020 constituent une ligne de démarcation dans la mesure où on ne peut s’accorder pour participer aux élections dont les résultats sont connus à l’avance. Car pour que ces élections soient crédibles, on doit s’assurer que les conditions s’y prêtent. Et ces conditions reposent sur un environnement qui permette une pluralité, une jouissance des libertés civiles et politiques. Un dialogue qui favorise un rapatriement volontaire de tous les réfugiés et les acteurs politiques, le désarmement de la population ainsi que le démantèlement des milices. Telles sont les conditions qui doivent garantir l’environnement politique propice aux élections. Voilà ce qui nous divise aujourd’hui. Si certains partis politiques veulent s’engager aux élections, ils sont libres. Mais y aller pour moi équivaut à légitimer et à crédibiliser le processus électoral biaisé au départ. C’est également consentir et consacrer une dictature basée sur la discrimination, la violation des droits humains et bref le totalitarisme à outrance.
Voilà pourquoi et comment nous sommes divisés. Et tant que les choses fonctionnent de cette manière, mon Parti UPD-ZIGAMIBANGA veillera à l’intérêt du peuple et se démarquera toujours de ceux qui placent leurs intérêts en premier au détriment du peuple. D’où l’existence aujourd’hui de deux courants qui traversent l’opposition. Ceux qui veulent rentrer pour participer aux élections avec l’objectif de les perdre et ceux qui persistent et signent de ne pas y aller pour consacrer une dictature.
Certains burundais ont choisi de prendre les armes contre le régime en place. Pensez-vous que ça peut contribuer à trouver une solution à la crise ou vous croyez au dialogue ?
La situation politique de notre pays préoccupe plus d’un. C’est pourquoi le monde entier a assisté à une marée humaine lors de la contestation en 2015, quand le peuple a contesté le 3ème Mandat dont les conséquences du forcing se font encore sentir aujourd’hui comme si c’était hier. La communauté internationale n’a rien ménagé pour le redressement de la situation, mais le pouvoir de Bujumbura s’est entêté si bien que tout le monde est devenu son ennemi.
C’est ce qui pousse les Garants de l’Accord d’Arusha à relancer les négociations, que le pouvoir appelle dialogue, entre le pouvoir de Nkurunziza et l’opposition. Depuis la tentative de la relance, Nkurunziza n’a fait que narguer tout le monde et a conséquemment isolé le Burundi sur l’échiquier régional et international. Alors, devant cet entêtement, plusieurs groupes se sont constitués pour une option armée et les déclarations dans ce sens ont été faites. Pour ce qui est de mon Parti Union pour la Paix et le Développement, UPD-Zigamibanga, en sigle, je voudrais rappeler que notre parti est un parti à vocation de Paix et de Développement. Nous sommes pertinemment convaincus que seule la Paix est un préalable pour un développement intégral. Et ce principe, je suis très persuadé que tout parti, quel qu’il soit aspire à la paix; sauf bien entendu le CNDD-FDD qui recrée les mêmes causes qui l’ont poussé à déclarer une guerre au pouvoir de l’époque. Cependant, au regard de l’entêtement, des violations constantes qui continuent à endeuiller nos familles et notre pays en général, et face au refus de Nkurunziza de rejoindre la table des Négociations, je ne peux aucunement décourager toute initiative visant à libérer notre peuple qui ne sait plus à quel Saint se vouer. L’histoire récente ou lointaine nous apprend que la guerre a libéré des peuples et généré une paix. Entre-temps à l’UPD, on continue à espérer que Nkurunziza se ressaisira pour éviter que d’autres rejoignent les rangs des opposants armés, étant donné que toutes les voies de sortie de crise seront épuisées.